Eiximenis et les vignobles du Roussillon en 1408. (article paru en 2017)
Puig Georges
Viticulteur en Roussillon
Le 12 Novembre 1408, à Perpignan, le pape Benoit XIII nommait Francesch Eiximenis Administrateur apostolique des biens de l’évêché d’Elne, et Patriarche de Jérusalem.
Le Concile de Perpignan commençait.
Le choix de cet évènement pour traiter un sujet viticole, tient au personnage d’Eiximenis, ainsi qu’aux documents déjà connus mais inexploités sur ce sujet, en particulier les inventaires des celliers et la présence d’alambics dans les familles possédant des vignes et des chais en Roussillon, au début du XVe siècle.
I-Le pape Benoit XIII, et « Eiximenis », amateurs de vins :
Déjà en 1398 le pape Benoit XIII avait bénéficié de l’appui de ses amis et serviteurs Roussillonnais, lorsqu’il avait fallu constituer une flotte à Port-Vendres pour essayer de le délivrer des Français, à Avignon1. Pendant des années le pape avait erré en Bourgogne, en Provence et en Italie, accompagné de ses fidèles conseillers et de la cour pontificale. N’ayant pas trouvé de compromis avec l’autre pape, il partit de Porto-Venere, sur sept galères Pontificales chargées de sa cour, commandées par Sagarriga, après avoir convoqué un Concile en Aragon, à Perpignan. Bien qu’aimant le vin, le Saint-Père ne perdait jamais l’eau de vue, et restait toujours près d’un port, prêt à partir sur les flots.
Lorsqu’il choisit Perpignan pour son concile, il choisit « la première ville d’Aragon », mais surtout une ville proche d’un port. Le Souverain Pontife débarqua à Port-Vendres le 2 Juillet 1408, allant d’un Port de Vénus à l’autre « Domini Sanctissimus Dominus Benedictus papa…tertius appuluit ad Portum Veneris ». Parti de Collioure, il traversa Argelés et passa sous les murs de Taxo, pour entrer solennellement dans Elne le 23 Juillet 1408. Le 24 Juillet le cortège pontifical faisait son entrée avec splendeur dans Perpignan, ou on avait disposé des tentures depuis la porte d’Elne jusqu’au palais des rois de Majorque. Notre roi, Don Martin d’Aragon, avait ordonné à Bernard d’Oms, commandant le château de Perpignan, de mettre le palais des rois de Majorque de Perpignan, à la disposition du Souverain Pontife.
Le Concile s’ouvrit le 15 novembre dans l’église de La Real.
Une procession solennelle précéda la messe du Saint-Esprit qui fut célébrée par le pape.
Photo de Benoit XIII .
On avait tendu des draps d’or le long du chemin que suivit le cortège pontifical, depuis le palais des rois de Majorque jusqu’à l’église de La Real. Tout au long des rues que suivait la procession furent élevés des autels d’où s’échappait la fumée de l’encens. Des tapis précieux furent tendus dans les rues avec ostentation.
La procession était précédée de l’étendard pontifical suivit d’une mule blanche portant le Corpus Christi, puis venaient les procureurs des églises conventuelles, des églises cathédrales, des églises métropolitaines, des évêques, et des archevêques, tous vêtus de chapes, puis les abbés non mitrés et les abbés mitrés, l’abbé de la Grande Chartreuse, le général des Frères mineurs, le général des Frères prêcheurs, les évêques, dont Monseigneur de Llupia, evêque de Valence, les archevêques dont Monseigneur Sagarriga, archevêque de Tarragone, puis venait Fra Eiximenis, Patriarche de Jérusalem, avec le Patriarche d’Antioche et celui de Constantinople, et enfin les cardinaux(2).
Le pape s’avançait sous un dais porté par Bernard de Vilacorba (3), Raymond de Perillos, et les deux consuls de Perpignan, Jean Come et Jean Gravelada, entouré des cardinaux-diacres, et escorté de militaires. Toutes les familles du Roussillon s’agenouillaient devant le vrai pape, Pedro de Luna, seul cardinal antérieur au schisme, les Peyrepertuse, les Llupia, les Oms, les Alenya, les Podio, les Cervello, les Batlles, et tant d’autres.(4)
2- Les commentaires d’Eiximenis:
Parmi les plus fidèles conseillers du pape, le moine franciscain Eiximenis, était aussi l’un des plus originaux. Il est pour nous, le plus précieux de tous ceux qui ont parlés des vins du « moyen-âge ».
Il se présente lui-même comme étant né de parents ayant vécus à Gérone, sans doute vers 1330, et il reçut le diaconat à Barcelone en 1352. Son nom, Eximeneç, ou Eximenez, provient du Basque ou Aragonais Ximenez. (5) Cette probable origine devait renforcer ses liens avec Pedro de Luna. Il fit ses études à Valence et parcourut toute l’Europe pour suivre ses études de théologie, passant par Cologne, Rome, Avignon, Toulouse, Oxford, Barcelone, et Valencia ou il demeura de 1383 jusqu’en 1408, écrivant son Terç de Lo Cristia (« lou cristia »), en langue romane valencienne, proche du roussillonnais et du catalan. Les traductions du Cristia sont parfois curieuses et il convient de se référer au texte original pour mieux le comprendre.
Photo original du Cristia
En 1397, le roi Martin d’Aragon avait demandé à Eiximenis de participer à une réunion de théologiens à Saragosse pour mettre fin au schisme. Il fut fidèle au pape aragonais, et écrivit entre 1404 et 1408 un Psalterium laudatorium (6) dédié à Benoit XIII dans lequel il le qualifia de lux ecclesie, lumière de l’Église. Plusieurs cardinaux l’accusèrent d’avoir envouté Benoit XIII (7). Hors, c’est à la demande du pape qu’il participa au concile convoqué à Perpignan, ou Benoit XIII le nomma Patriarche de Jérusalem, et Administrateur de l’évêché d’Elne, évêché ancien et illustre.
Le choix du pape Benoit XIII est compréhensible puisque Eiximenis lui était particulièrement attaché depuis de nombreuses années, et qu’il était natif du royaume d’Aragon, comme lui. Il n’y eut donc pas d’envoutement, mais leurs relations devaient être si proches que les cardinaux présents au concile de Pise accusèrent Eiximenis d’avoir envouté le pape. Nous verrons que les activités de plusieurs personnages de la cour pontificale étaient portées vers l’alchimie.
Pour Eiximenis, le vin est avant tout sacré. Il cite Boece « Dieu Notre Seigneur » dans sa grande sagesse, tira « du cep, origine et occasion de péché », et le remède contre le péchè est le vin, « la liqueur avec laquelle on consacre le précieux sang de Jésus-Christ » et « sous l’espèce du vin réside le sang du Sauveur. »
Photo d’Eiximenis
Parmi toutes les œuvres d’Eiximenis « Lou Cristia » devait être une somme théologique, mais la totalité de l’œuvre ne fut jamais écrite. Eiximenis abordait les principales causes, les analysait, et en tirait une morale chrétienne. Après un premier volume sur le christianisme, le second fut consacré à la tentation, et le troisième, Lou Terç, aux péchés et à leurs solutions. Concernant le péché de l’ivresse, il ne put s’empêcher de décrire toutes les qualités et les défauts de la boisson. Eiximenis nous rappelle les paroles de Saint Jerome (8): « Luxuriosa res est vinum » le vin est une chose luxurieuse.
Et Saint Paul « Nolite inebriari vino, in quo est luxuria » Ne vous enivrez pas de vin car la luxure s’y cache. » Dans un style direct, sans fard, mais moqueur et surtout moralisateur, il nous renseigne sur les vins et sur la manière de boire en son temps. « L’homme chrétien plait beaucoup à Dieu par l’abstinence de sa vie, mais aussi par la manière honnête dont il se nourrit. », mais il n’hésite pas à faire dire à un moine franciscain «Mon désir est de mourir, je vais manger jusqu’à en crever. »
« Lo vy fort nutritiu, e confortatiu de natura e generatiu de molts esperits, e dilata les venes e exampla lo cor, e es fort amich de la vida, a les quals coses se seguex a l’home natural goig e alegria» (9)
Eiximenis égrène tous les péchés de gourmandise et d’ivresse, puis il fait la description de l’étiquette de la table au XIVe siècle, l’art de manger, boire et servir à table, mais aussi des listes de vins qui sans aucun doute étaient les favoris de l’auteur, qui ne peut s’empêcher, sous un aspect moralisateur, de nous donner toute la liste des objets du péché. On peut imaginer de quelle manière il avait envouté Benoit XIII…
La « lettre qu’un ecclésiastique gourmand envoie à un médecin pour lui demander conseil sur les règles de vie »(10) donne la liste des mets et des vins qui auraient pu être servis à cette époque :
« Le matin, au lever, je mange un morceau de fougasse chaude, accompagné d’une tasse de vin cuit, ou de vin grec. Au déjeuner je mange toujours du pain à base de fleur de farine. Je varie les viandes selon les saisons. En été, je consomme plutôt de jeunes coqs préparés de diverses manières, à la broche, à l’eau de rose, au pot avec de la sauce au verjus, en croûte ; des chevreaux, des veaux de lait, des moutons de l’année, des perdreaux. En hiver : de grosses poules, des poules pleines, des chapons gras, des moutons d’élevage, des perdrix, des pigeonneaux et de cailles. En automne ; de grosses grives, des pigeons, des foulques et de la chair de gibier, des cerfs, des chevreuils, du bouquetin, des lièvres et des lapins. Au printemps : des paons, des faisans, des grues et des oies venues au temps pascal.
Je n’utilise que des sauces épaisses et bouillies, ou la sauce de paon de lait de chèvre et la moitié d’un rôt mélangé à du girofle et du gingembre vert.
En fin de table : des flans, des galettes fromagères, du fromage frit au beurre fondu au feu, recouvert de sucre, sur des tartines de pain grillé. Quant au poisson, je le consomme avec des gousses et en tranches, frit, à la casserole, au gril, en croûte. Si je mange quelque chose à la cuiller, ce sera de la genesté, du manger noiseté, du pignonné, ou du coriandré, du riz au sucre et au lait d’amandes. Puis je passe aux fruits secs. Enfin je prends de la dragée (…)
Quant au vin blanc, je bois plutôt du grec l’été ; et l’hiver du vin cuit, du moscatel, du malvoisie, du vin de Tribbiano, du vin corse, du vin de Candie, du Vernaccia ; enfn , de la clairette avec des oublies ou du vin miellé aux épices. Je veux toutefois que les oublies soient cuites avec du sucre, pulpeuses, un peu épaisses. Je ne veux pas boire de rouge de pays.
Je bois donc l’été, du vin calabrais de Santo Noceto, de Tropea et de Tiriolo, du picpoll de Majorque, de la roussette ou de la clairette d’Avignon. L’hiver, je consomme du vin de Madrid, de Castille, des vins fins espagnols, du vin de Gascogne ou du Monastrel de l’Ampourdan.
Aux collations, je prends de mes électuaires divers, selon la saison, des hydromels sucrés, pour rafraichir le foie. Parfois, des manus christi, du gâteau éponge et de la confiture indienne fine avec un peu de gingembre confit pour bien digérer. Pour rafraichir les veines, quand je sens qu’il fait chaud, j’use de quelques sirops, sirops à l’eau ou à la violette. Au dîner, je bois de vin de Beaune ou de Saint-Pourçain.(…)
Je prends des clystères car je n’arrive pas à évacuer. J’ai le désir d’être mince, je n’aime pas voir les femmes se moquer de mon ventre. »
Qui pourrait croire que ce texte date de la fin du XIVe siècle? On penserait plutôt à la plume de Saint-Simon, tirant un de ses portraits.
Ainsi, sans le vouloir, Eiximenis mentionne ces vins pour la première fois, ou pour certains, la seule et unique mention avant leur disparition. D’autres sont connus, et son texte apporte des renseignements précieux.
Pour connaitre le caractère d’Eiximenis il faudrait étudier toute son œuvre. Dans le Terç du Cristia, on peut entrevoir un intellectuel brillant, remarqué dès son plus jeune âge et favorisé par les puissants, comme le fut Vincent Ferrier, mais Eiximenis, au-delà de son côté moralisateur, à une passion pour la vie, et pour la bonne vie, qu’il ne condamne pas, qu’il déconseille bien-sur, mais qu’il semble apprécier. C’est sans doute pour cette raison qu’il inspira une affection particulière à Benoit XIII. « Le vin dilate les veines et élargit le cœur. Il est très ami de la vie. C’est pour cela qu’il procure à l’homme une joie naturelle et l’allégresse ».
Le pape aimait le muscat du Roussillon, et Eiximenis préférait le vin doux de Chypres, Perillous avait connu les vins de Bourgogne. Tous ces hommes aimaient boire, et nous avons conservé leurs écrits sur le vin et sur la manière de le boire et de le servir, en Roussillon.
Et tous ces hommes ont en commun des liens du sang.
3-Les familiers du pape, producteurs de vins en Roussillon :
La cour pontificale, dans le château de Perpignan était composée d’ecclésiastiques et d’hommes de guerre, qui étaient les serviteurs du pape : camériers, échansons, bouteillers, chambellans.
Pedro de Luna, le pape Benoit XIII, avait un grand nombre d’Aragonais dans son entourage, et en particulier des Roussillonnais qui formaient autour de lui une maison soudée par de forts liens familiaux (11). Comme dans toutes les cours, les charges étaient accaparées par les mêmes familles, et on retrouve dans ces mêmes familles, les mêmes fonctions au sein de la cour pontificale, et dans les cours des rois et reines d’Aragon.
Photo de gens buvant du vin « le çeller et la sala, au XVe siècle »
Photo enluminure du Cristia
L’archevêque de Tarragone, Pierre Sagarriga, était Camérier du pape. Il commandait la flotte pontificale lors du retour d’Italie, c’est lui qui avait déjà assuré les frais de l’armada de Port-Vendres, en 1398, pour délivrer le pape d’Avignon. Il avait été chanoine d’Elne en 1397, puis archidiacre de Lérida en 1403 et enfin archevêque de Tarragone en 1407 (12).
Pierre Sagarriga avait donc reçu une éducation raffinée dans une famille qui avait servi les rois d’Aragon, et qui connaissait l’art de choisir et de gouter les vins du Roi.
Le père de l’archevêque, Francesc Sagarriga, avait été gouverneur de Majorque et échanson de Jean Ier d’Aragon, le roi amateur de gentilhommerie. L’échanson du Roi, connaissait très bien les vins du Roussillon puisque sa famille possédait des vignes sur les pentes de Força Réal. L’échanson de Jean Ier d’Aragon, était le successeur des comes scanciorum des rois wisigoths d’Espagne, les comtes échansons, chargés de gouter avant le roi, pour être sûr de la qualité du vin, et pour éviter le poison.
Mais lorsque Jean Ier mourut d’un accident de chasse en 1396, il y eu une accusation. Francesc Sagarriga devait vérifier que les liquides n’étaient pas empoisonnés, utilisant des « réactifs » comme la fameuse corne de licorne censée faire réagir la boisson infectée de venin. Puis, l’échanson et le sommelier, l’un après l’autre et sous les yeux de tous les invités, goûtaient le vin qui était ensuite servi au roi Jean. Il avait épousé Clara de Pau, fille de Guillem-Bernard de Pau, d’une famille possédant des vignes dans les Albères.
Le frère de l’archevêque, Raymond Sagarriga, fut le chambellan de la reine Yolande d’Aragon, son fils devint plus tard l’échanson du futur Jean II, l’ainée de ses filles fut mariée à Alemany de Cervello, puis la seconde au vicomte d’Evol, propriétaire du vignoble favori de Pierre IV, et la dernière à Perillos, familier du pape.
L’autre frère eut une fille unique, Eularia Sagarriga, qui fut mariée à Sancho de Hérédia, parent de Juan Fernandez de Hérédia, pre humaniste, héléniste, évêque de Vic, neveu du Grand Maitre de Rhodes, ami de Yolande d’Aragon, et parent des Luna, la famille du pape(13). Il y avait donc des liens du sang entre les familles roussillonnaises, la famille d’Aragon, qui est en fait la famille de Barcelone et de Cerdagne, et les familles du vieux comté d’Aragon, comme les Luna et les Hérédia.
Photo armoiries « Rodrigo Luna, Mas Deu, 1408 »
Un des oncles, nommé lui aussi Francesc Sagarriga, était échanson du roi d’Aragon, en 1373, et avait des vignes à Casefabre. De son mariage avec Huguette de Peyrepertuse-Corbera, il eut Marguerite Sagarriga, qui fut l’épouse de Bernard d’Oms, le commandant du château de Perpignan chargé d’accueillir le pape. Ce Bernard d’Oms était le cousin germain de Guillem d’Oms, seigneur de Calmella et d’Oms, époux de Jacma des Puig, l’héritière du vignoble de Taxo. Les Oms possédaient de nombreux vignobles en Roussillon, leur première vigne étant attestée à Trouillas en 1172, près du Reart. Ils avaient des vignes sur leurs terres de Calmella et d’Oms, dans les Aspres arides, puis par voie de succession, dans la Salanque et à Taxo d’Avall dont ils héritèrent en 1424 (14)
Les Peyrepertuse étaient une famille importante du Roussillon, chassés de leurs terres des Corbières par les barons français lors de la croisade contre les Albigeois, ils étaient venus s’installer sur leurs terres d’Ortaffa, qu’ils avaient héritées des Durban, ou ils produisaient du vin. Le père, Berenguer IV de Peyrepertuse, dit Ortaffa, avait été le majordome de Yolande d’Aragon, l’épouse du roi Jean, lorsque la cour était à Perpignan. Il connaissait Bellcaïre, le bouteiller de la reine, qui servait de messager entre la reine et le cardinal de Saluces en 1396. Après la mort du roi Jean, et le retrait progressif de la reine, Peyrapertusa avait retrouvé son fief d’Ortaffa, dont il portait quelquefois le nom. Bien qu’Ortaffa soit une excellente terre, avec un magnifique château, la maison de Peyrepertuse ne pouvait perdre ses origines : le Peyrapertusés, une ancienne vicomté du Besalu.
La sœur d’Huguette, Brunissenda de Peyrapertuse, avait épousé Ferrer de Sant Marti, un des participants à l’expédition de 1398, et leur fils, Gabriel de Sant-Marti-Peyrepertusa, devait épouser, en 1433, Blanquina des Puig, fille de Mathias, une des héritières du vignoble de Taxo.
Leur frère, Berenger V de Peyrapertusa-Ortaffa avait épousé en 1397 Aldonça de Cruylles, Dame de Yolande d’Aragon, dont le père, Berenguer de Cruylles, avait avancé de l’argent à l’armada de 1398, et leur fils, Pierre, devait épouser en 1420, Isabel, fille de Bernard de Vilacorba, le familier du pape.
L’oncle maternel de Pierre Sagarriga, Franscec de Pau, était le fils de Guillem de Pau, seigneur de Cerbére, branche cadette de la famille des Abelles, et de Françoise Amourous, fille de Berenger Amourous, donzell d’Argeles, qui avait contribué à armer la flotte du pape en 1398, à Port-Vendres. La Casa d’en Amourous était le château d’Argelès, que Pierre IV avait dû prendre d’assaut pour soumettre la ville, fidèle au roi de Majorque en 1344. Ils avaient des vignes sur le territoire d’Argelès. Le seigneur des Abelles Jean de Pau, lui-même propriétaire de vignes sur le terroir de Banyuls, était un familier de Benoit XIII à Avignon.(15)
Ainsi l’archevêque de Tarragone, Pierre Sagarriga, entouré de sa nombreuse parentèle, devait au Souverain Pontife qui l’avait choisi, non sans calculs, comme son camérier, un service d’échanson, servant à boire au pape lors des diners officiels.
Photo d’un vieux cep du Roussillon
Au plus près du pape Luna et de son familier Eiximenis, se trouvait Raymond de Perillous « per nobilem virum dominum Raimondis de Perilionibus et de Roda » ou « Raymondus dei gracia
vicecomes de perilionibus et de roda », qui avait reçu le titre de Vicomte de Perillous en 1391, car il était conseiller et chambellan de Jean Ier d’Aragon, Capitaine d’Avignon en 1398, ambassadeur de Benoit XIII à Paris avec Gerald de Cervillon en 1398.
Comme je suis Roussillonnais je dirais Perillous et non Perellos, d’ailleurs les Bourguignons l’appelaient Perilleux. Raymond de Perillous tenait le dais du pape, le 15 novembre 1408 pour aller en procession entendre la messe du Saint Esprit à la Real.
La fortune des Perillous venait sans aucun doute de leur contribution aux guerres de Pierre IV d’Aragon, el del punyalet, l’usurpateur du royaume de Majorque, qui fit leur père, Francesc de Perillous, « rico hombre » en 1366. Leur mère était Constance de Fenouillet, illustre famille de l’ancien comté de Besalu, resté fidèle aux rois d’Aragon.
Avec son frère, Ponç de Perillous (Poncium de Perilionibus) et ses fils, ils firent un voyage en Irlande, suite au décès de Jean Ier dont Ponç était le majordome, accusé d’avoir participé à un complot ayant permis la mort du roi, non confessé. C’est pour rencontrer l’âme du roi dans le purgatoire de Saint Patrick qu’ils se rendirent en Irlande. Au retour, Raymond écrivit le « Viatge del Viscomte Raymond de Perillous i de Roda, fet al Purgatori nomenat de Sant Patrici » vers 1398. C’est suite à ce voyage qu’il devint conseiller du pape.
Ponç, était seigneur de Montner puis de Rigarda et Glorianes, et possédait une maison à Millas, près de l’église et du cimetière, dont l’inventaire fut demandé après sa mort en 1426.(16)
Après être devenu chambellan de la reine Yolande en 1398, puis ambassadeur du roi Martin en 1399, pour la France et Avignon, Ponç reçut des rentes sur la peixateria de Perpignan et la reine veuve lui vendit les lieux de Llauro, Tresserres avec la juridiction de Nidoléres, et Villemolaque, ou se trouvaient de nombreuses vignes. Il fut informateur de la reine Yolande lorsqu’il était ambassadeur à la cour de Bourgogne de 1405 à 1409 nommé « Jean Perilleux » dans l’hotel de Jean-sans-Peur (17)
dont il devint chambellan en 1407. Il ne put manquer de gouter les vins de Bourgogne et plus particulièrement ceux de la Franche-Comté. Familier de la culture bourguignonne et flamande par son mariage avec Marie de Steenhout, dame de Yolande, qui les uni en 1380, (18), il avait pris les habitudes de cette cour des ducs de Bourgogne ou il y avait un premier sommelier de corps, six sommeliers de chambre et six sommeliers de corps. Les deux frères Perillous reçurent le roi Don Martin à Millas, en 1405, et Ponç vint y terminer ses jours en 1425, laissant sa maison dont il nous reste l’inventaire complet (19).
En février 1399, Bernardo de Podio (20) fut nommé ambassadeur en France, par le roi Martin de Sicile, fils du roi Martin d’Aragon, la même année que le vicomte de Perillous et que Geraldus de Cervilione(21), qui étaient ambassadeurs de Benoit XIII, en France (22). Podio était Roussillonnais, « Bernardus de Podio, miles cui rex dedit licenciam quod posset fecere Regi officium Vicarii Rossilionis, quosque fuerit de partibus Francia reversus, ad quas ivit cum aliquibus nostris ambassatoribus. » (23). Il fut également ambassadeur du roi Martin, auprès du Saint-Siège, avant 1410. En 1402, il était viguier du Roussillon et du Vallespir, et se livrait au commerce et exportait vers Valencia du blé et du vin (24).
Issu d’une famille qui avait soutenu les rois de Majorque jusqu’au dernier jour (25), son oncle Berenguer des Puig, était chanoine et Camérier de La Real et avait eu l’honneur de porter la bulle du pape au roi Martin l’Humain, pour unifier les Ordres de Maria Santissima de Montesa et de Saint Georges, en 1400 (26). Pendant le concile de 1409, il eut l’honneur de recevoir le pape Benoit XIII dans l’église de La Real à Perpignan. Il avait des vignes et des salines à Saint-Hippolyte en Salanque, qu’il donna en héritage à la fameuse famille Albert. Mossen Mathias des Puig, neveu de Bernard, avait des vignes sur les termes de Taxo et de Moussellous (27), dont nous avons encore l’inventaire du cellier ; ses filles épousèrent Gabriel de Sant-Marti y Peyrapertusa, et Guillem d’Oms, issus de familles de l’entourage du pape et d’Eiximenis, déjà commentées.
Photo 20170823_094823 : ADPO 1 E 319 inventaire après décès de Mossen Mathias de Podio.
Depuis deux siècles déjà, les familles roussillonnaises envoyaient leurs cadets à la conquête de nouveaux territoires et de nouveaux marchés. Martin l’Humain le résume admirablement dans son discours d’ouverture des Corts de Catalunya, Rossillo y Cerdanya, en 1406 à Perpignan, « quan Godofré de Billo ana conquistar en la Terra Santa, on trobam que anaren ab ell e ab lo comte Giraut gran colp de Rossillonesos » (28)
Eiximenis avait vécu à Valencia de nombreuses années et connu Hug de Llupia qui fut evêque de Valencia pendant 30 ans (29). Il écrivit « La Pastorale » qu’il dédia à Monseigneur de Llupia.
Mossen de Llupia était né à Bages vers 1350, d’abord évêque de Tortosa, il fut envoyé en ambassade pour demander la main de Yolande de Bar en 1379 pour le futur Jean Ier d’Aragon, et il accompagna la future reine à Perpignan en 1380. En 1395 il alla chercher Martin d’Aragon en Sicile pour succéder au roi Jean. Il participa en 1397 à la visite du roi Martin l’Humain au pape Benoit XIII à Avignon, ou celui-ci confirma la concession du royaume de Sicile au fils du roi Martin, Martin le Jeune, et nomma Hug de Llupia à l’évêché de Valencia. Il resta parfaitement fidèle à Benoit XIII et fut présent au Concile de Perpignan.
Son frère, Raymond de Llupia, seigneur de Bages, infatigable batailleur en Castille, en Sicile, en Sardaigne, conseiller et « algutzir » du roi Jean puis du roi Martin, soutint la cause de Jaume d’Urgell. Les rois lui donnèrent de nombreux fiefs dont Montclar en Catalogne, La Bastide en Roussillon, Xativa à Valencia et Caltavuturo en Sicile. Les Llupia possédaient de nombreuses vignes à Llupia et à Bages (30). C’est sa fille, Bartomeua de Llupia y Cervello, qui épousa Bérenguer Batlle en Octobre 1408, (31) dont l’inventaire des biens nous permet de connaitre l’inventaire du cellier.
Les Batlle sont une très ancienne famille originaire du comté d’Ampurias, arrivés à Perpignan vers 1272, ou leur aïeul était conseiller de Jacques le Conquérant. Arnau Batlle (32) avait obtenu en fief le Castell Vell de Salses (33). Son fils Berenguer, évêque d’Elne, avait commencé la construction de l’église Saint Jean de Perpignan, actuelle cathédrale, en 1321 sous le régne de Sanche de Majorque, puis il fut évêque de Majorque. Son frère, Pierre, fut armé chevalier, et son descendant, Francesc, fut Camérier du roi Martin en 1396. C’est le fils de Francesc, Bérenguer Batlle, qui épousa Bartomeua de Llupia, nièce de l’évêque de Valencia pour qui Eiximenis dédia sa Pastorale.
Les Batlle avaient plusieurs résidences, lorsque Berenguer décéda en 1426. On peut imaginer qu’il fut en faveur de la nouvelle dynastie, la troisième depuis leur installation en Roussillon. Cette famille possédait également un vignoble en Roussillon.
C’est Barthélémy Batlle, subcollecteur de la Chambre apostolique du diocèse d’Elne, qui paya en Juin 1413, tous les frais qu’avait entrainé la maladie de Francesc Eiximenis en 1409. (34)
Il faut préciser que Bartomeua de Llupia, épouse de Berenguer, était la fille de Sibille de Cervellon, proche parente de Gérard de Cervellon, ambassadeur de Benoit XIII en 1399 avec Perillos.
La mére de l’évêque de Valencia, Hugue de Llupia, était une Rovenac, et avait deux sœurs, l’une épousa Raymon II de Perillos et mourut avant 1383, et l’autre un Alenya, dont le fils , Bernard d’Alenya vivait en 1393. Ces Alenya étaient donc proches parents des Llupia et des Perillos, et surtout des Puig de Moussellous, sur l’actuelle commune d’Alenya, mais aussi parents par alliance avec les Cervellon et les Batlle. C’est de leur inventaire, de 1446, dont je ferai souvent mention (35).
Parmi toutes les familles Roussillonnaises ayant servi le pape je ne peux oublier celle des Rivesaltes, dont Jean de Rivesaltes, ou de Rippisaltis, qualifié dans les actes de Gabriel Resplant, qui était sacriste de l’église Saint Jean de Perpignan, Il était probablement apparenté aux Batlle par Antoni-Francesc (mort vers 1442), fils de Berenguer Batlle et de Bartomeua de Llupia, époux de Margarida de Ribesaltes.
Le moine Vicens Ferrer, lui aussi était présent au concile. C’est lui qui instaurera la procession du Très Précieux Sang de Notre Seigneur en 1416, à Perpignan. Il n’était pas Roussillonnais, mais son personnage est tellement important que je ne peux m’empêcher de le citer, certains considèrent qu’il fut, à Casp, traitre à son roi, puis, plus tard, à son pape. Ordonné prêtre par Benoit XIII en 1378, année terrible, et canonisé par les Borgia en 1455.
Par leurs fonctions, tous ces hommes servaient la famille royale d’Aragon et de Sicile, et le pape, à Avignon, Perpignan et Barcelone. Ils connaissaient les vins, et participaient à l’étiquette
Le parallèle entre Eiximenis et les familiers du pape n’est pas difficile à faire, et il est certain que ces hommes se sont croisés quotidiennement, et se sont connus à Avignon puis dans la longue errance de Benoit XIII jusqu’en Aragon. Ils avaient connus personnellement Eiximenis qui partageait avec eux une origine commune.
J’aimerai parler de toutes les familles qui ont entouré notre pape Pedro de Luna, et notre roi Martin, en 1409, année fatidique qui marque la fin d’un monde pour les anciennes maisons des Comtés, mais la place manque pour tous ces Garau, Carbonell, Metge, Comes, Graveladas, Estanybos, Volo, Vilarig, ça Trillas, Roig, Xatmar, Aybri, Rocafort, Fenollet, Mir, Callar, Tallavis, et toutes les autres anciennes maisons du Roussillon.
Le vin est lié à la terre, et la terre est liée au sang. On ne peut pas comprendre le monde du vin, si on ne comprend pas les liens du sang.
4-Leurs vignobles :
Toutes ces familles possédaient des vignobles qui n’avaient rien à voir avec les grandes étendues de vignes que nous avons aujourd’hui. Peut-on parler de vignoble ? Il s’agissait plutôt de vignes.
Nous dirions vinyer, mais l’occitan dirait vinhobre, d’où le français « vignoble ».
photo « vinyes de Tatzo » transcription de la main d’Alart, de l’original ADPO 1E 319 de 1424. (36)
Le Roussillon était un « pays d’alleux », dont les possesseurs « ne dépendent que de Dieu », terres sans seigneurs, en général héritées. Les vignes étaient parfois en franc-alleu. Certains avaient leurs terres en fiefs, ou avaient transformés leur alleu en fief, tenu en hommage et fidélité au roi, mais l’usage séparait château et fief, comme les Peyrepertuse, qui possédaient en fief Ortaffa, ou les Batlles qui avaient le Castell vell de Salses en fief, et « item una vinya en los termenes del mas de la garriga ». La société d’ancien régime est compliquée et je ne me risquerai pas à essayer de déchiffrer la situation juridique des familles du Roussillon au XVe siècle. Simplement, je remarque que leurs vignes sont parfois mentionnées à part.
Dans les mêmes familles on trouve différents qualificatifs, comme dans le cas de Francesch de Pau, qui est qualifié de miles, puis domicellus, et même de patron de barque (37) ou les Amourous qui sont donzells (38), miles, puis pagès. L’importance des alleutiers ou aloers (39), en Roussillon est diverse, riches pagesos, homes de paratge, parfois militars (miles) ou pauvres cultivateurs.
La qualification de pagès apparaît au XIVe siècle, dans des textes en langue romane. Le pagus est l’habitant du pagi ou « pays », c’est donc à proprement parler, un « paysan » ou plus exactement un paysan-vassal. Le paysan est rusticus, mais le vassal est homo propius vel solidus. Le cas de Bernardo des Podio est intéressant, car il apparait plusieurs fois en sa qualité de viguier Ofiicium Vicarii Rossilionis, ou de marchand, mais dans un acte de 1386 concernant un mas à Conjunta, il est mentionné avec son épouse Guillema-Martina, comme home propre i soliu du chevalier Ermegau des Fonts, c’est-à-dire un simple vassal.(40)
Les révoltes du XVe siècle, comme celles des pagés de remença en Catalogne, qui ne concernent certes pas le Roussillon, mais qui montrent , si on porte un regard objectif sur les documents d’époque, que les familles étaient inscrites dans un ordre vassalique. En 1402, la reine Maria de Luna, épouse du roi Martin d’Aragon, parente du pape Benoit XIII, essaya de supprimer la remença et d’autres mals-usos applicables aux nombreux vassaux des communautés religieuses. (41) Le remence, ou paysan-vassal, était considéré comme propriétaire du « domaine utile » qu’il pouvait transmettre à ses descendants ou qu’il pouvait hypothéquer avec l’accord du détenteur du « domaine direct », son seigneur. (42)
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la situation des familles évoluait fortement au cours du temps. Par exemple les Taxo ou Tatzo, qui étaient l’une des familles les plus illustre du Roussillon au XIIe siècle, descendants des comtes de Roussillon, se retrouvent simple domicellus au XIVe (donzells, damoiseaux) puis pagesos dans le fogatge de 1553, même histoire pour les Amourous ; il est donc difficile de donner un qualificatif pour ces familles ou une définition exacte de la « propriété » viticole de cette époque.
Phot 20170823_110534 Transcription de la main d’Alart , cartulaire ADPO 2J1/9 de l’original ADPO 1 E 319. Ramon Tatzo est encore seigneur au XIVe siècle, et Puig est son vassal.
Les documents de cette époque parlent de ces vignes, mais ne nous donnent pas de détails Nous ne savons presque rien sur les cépages et encore moins sur les terroirs. Une fois de plus les écrits d’Eiximenis sont importants car ils nous donnent quelques rares renseignements sur les cépages utilisés dans son monde, qui était avant tout celui de la Méditerranée.
Je ne trouve pas de mentions précises sur les terroirs, mais je constate que les vignes sont mentionnées parfois fort loin, ce qui prouve l’intérêt pour cette culture, et pour la qualité du vin que l’on y produisait.
Mon expérience agricole me permet de constater tous les jours, sur les parcelles du Roussillon, le remarquable choix des paysans qui ont tracés les parcelles et posés les Termes, les bornes, bien avant le cadastre actuel, en respectant scrupuleusement les différences de terroir. Les « termes » désignent, en Roussillonnais, les terres, jusqu’aux limites de celles-ci. L’origine en est le dieu Terme, sacralisant la borne au-delà de laquelle la possession est terminée. Cela montre les connaissances de ceux qui ont borné, probablement dans l’antiquité, et le pouvoir supérieur qui permettait de mettre d’accord les exploitants sur le bornage, en respectant les terroirs. Je ne crois pas que ces bornages datent du moyen âge. Ils sont d’une antiquité organisée, avec des hommes parfaitement consciencieux, mais avec une autorité sage et respectée qui n’existait plus après la fin de l’Empire Romain.
C’est une époque ou la constitution de vignobles important commence. La création du vignoble de Chateauneuf du Pape date des années 1360. Les moines bénédictins, les fondations cisterciennes ont multiplié les vignobles au XIIIe siècle. Les chevaliers de Saint Jean de Jérusalem organisaient des vignobles au mas Deu, Nyils, Terrats, Conjunta.
La plupart des mentions parcellaires sont extrêmement imprécises, comme ce document sur Taxo : «primo lo castell de Taxo e termes de aquell ». On ne connait pas les limites exactes, qui devaient pourtant bien exister puisque les bornages sont souvent très anciens.
photo20170823_110828 Donation de soixante ayminades de terres par le roi En Marti (L’Humain) à Mossen Mathias, vers 1396-1410.
Que savons-nous des vignes de cette fin du moyen-âge? étaient-elles sur espaliers, sur échalas ou montaient-elles aux oliviers ? vineam unam cui suis pomiferis, vinea cum suis arboribus ? (43)
A Collioure au XIIIe siècle, seulement quelques parcelles étaient en treilles, mais le Capbreu de cette époque est-il représentatif de la réalité ? En Roussillon au XXe siècle il y avait des parcelles plantées de vignes et d’oliviers ou d’abricotiers, malheureusement l’INAO nous a obligé à les arracher.
Combien y avait-il de pieds à l’hectare ? 5000 pieds à l’hectare en Languedoc au Moyen-Age, alors qu’il y en avait davantage durant l’Antiquité.(44) 3000 à 4000pieds/ha en Roussillon ? (45)
Il est difficile de reconstituer les vignobles du XVe siècle, car nous n’avons pas encore traité tous les documents qui sont parvenus jusqu’à nous. Dans les Capbreus qui existent encore, nous constatons l’importance de la vigne, jusqu’à 720 parcelles de vignes à Collioure vers la fin du XIIIe siècle. Mais qu’en était-il au XVe ? A Collioure le principal propriétaire viticole était Guillem Puig d’Orfila à la fin du XIIIe siècle, et nous voyons Dalmau de Biert, bailli général de Catalogne, ambassadeur du roi d’Aragon au concile de 1408, qui héritait de biens à Collioure, provenant de sa mère, Elicsenda Amourous, fille de Fina Puig d’Orfila, et nièce de Dalmau de Taxo.(46). Il y a donc bien eu une transmission héréditaire, par les Puig d’Orfila ou par les Taxo (47), car le vignoble des Amourous était à Argelés, ainsi qu’à Bages et Trouillas.
Parmis les sept ambassadeurs du roi d’Aragon, outre Dalmau de Biert, nous trouvons un frère de Francesch Eiximenis, Joan Eximeneç, qui était confesseur du roi Martin, et Raymond Xatmar. Ces Xatmar avaient des terres à Tresserres, dans la nouvelle baronnie des Perillous.
Le vignoble des Perillous devait s’étendre sur les collines de Montner, et leur cave de Millas devait être approvisionnée par ce vin, mais rien ne le prouve dans leur inventaire. Ponç avait également acquit de la reine Yolande, les terres de la baronnie de Tresserre, dont Nidolères, Villemolaque, Passa, ainsi que Llauro, ou il y avait de belles vignes.
Les Sagarriga avaient des vignes sur les pentes de Força Real, jusqu’au XXe siècle.
Le vignoble des Alenya ne semblait pas être à Alenya, mais à Orles, «primo une vigne appelée la Baillaury dans le territoire de St Etienne d’Orulo attenante » (…) « des terres et possession », ce qui permet de constater que la vigne de « la Baillaury » était importante, sans doute pour la qualité de son vin.
Le vignoble des Batlle était à Salses. Dans le château de Salses il y avait des biens meubles et immeubles qui sont au Château Vieux, dont ce qui suit : « primo, le Château Vieux avec toutes ses terres et dépendances du dit château. Dans la dépendance des terres du dit château, il y a une quantité de ruches, qui sont environ une centaine où il y a du miel (…), une vigne dans le territoire du mas de la Garrigue. » « Item dels bens mobills e immobils quis son a Castell Vell son quis seguexen:
primo, Castell Vell ab totes ses terres e pertinencies del dit Castell.
En una pertinencia de les terres del dit Castell ha una quantitat de buchs que (…)» (48)
Le vignoble des Pau était à Cerbère, lié à celui des Abelles, à Banyuls sur mer, unis par les liens du sang et désunis par ceux des guerres fratricides.
Celui des Peyrapertusa, expulsés de Peyrepertuse par Simon de Montfort deux siècles auparavant, était à Ortaffa.
Le vignoble des Sant-Marti était à Sant-Marti de Fenouillar, entre Lou Boulou et Maurellas.
Le vignoble des Llupia-Bages était à Bages, mais l’autre branche de la famille possédait des vignes à Llupia et autour de la chapelle de Vilar Mila(49).
Le vignoble des Oms était à Calmelles, mais ils avaient déjà des vignes un peu partout, et la branche de Bernard d’Oms dont il est question dans cet article, avait hérité le castell de Corbera par les Sagarriga-Peyrepertuse-Corbera. (50). La branche cadette des Oms de Calmeille hérita du vignoble de Taxo après 1424, à la mort de Mathias des Puig « primo lo castell de Taxo e termes de aquell »,
Evidemment, toutes ces familles n’étaient pas du même rang, et n’avaient pas les mêmes origines. On ne peut comparer un Peyrepertuse, famille de militars, avec un Batlle, famille bourgeoise, ou un Puig, famille terrienne, mais tous possédaient des vignobles pour produire du vin, et comme nous ils conservaient leurs vins pendant des générations dans leurs tonneaux immémoriaux.
5-Leurs cépages.
Nous savons très peu de choses sur les cépages utilisés au XVe siècle, mais le peu que nous sachions nous renseigne sur les gouts de nos aïeux.
Le Muscat était apprécié. Venait-il de Grêce ? Ramené par les croisés et les marchands roussillonnais qui seraient passés à Muskuti ? Ou serait-ce un apport des Byzantins, de l’époque de la grand-mère de Jacques le Conquérant, Eudoxie Commène, nièce de l’Empereur byzantin, au XIIe siècle ? Il ne faut pas sous-estimer les rapports qui existaient avec les familles de Constantinople.
On a prétendu que les Génois avaient ramenés ces cépages de Chio, suite à leur prise de Chio en 1261, car les habitants de cette île faisaient du commerce avec l’ancienne Phrygie.
Ou est-ce simplement un cépage présent depuis la plus ancienne antiquité ?
Nous avons toujours l’impression que toutes les connaissances furent perdues après la chute de l’Empire Romain, et que tout ce qui est raffiné provient de l’ancienne Grèce. Mais l’imposture d’une redécouverte de la culture Grecque au XVe siècle est maintenant démontrée. Les européens du « moyen-âge » n’avaient pas oublié les acquis de l’Antiquité, et il semble que la culture de la vigne et des cépages antiques soit resté présente dans l’ancienne Narbonnaise depuis la fin de l’Empire Romain, et corresponde à l’ « uva apianae » citée par les agronomes romains. L’uva apianae serait le « raisin des abeilles », mais l’uva appianis serait le raisin des habitants de la Phrygie. Cette uva apianae était-elle un muscat à gros grains, comme l’Alexandrie, ou à petits grains ? L’Alexandrie vient-il d’Espagne, de Malaga par Valencia ; ou était-il déjà cultivé en Roussillon pour la table ou comme raisin sec ?
La première mention du « Muscat » se trouve dans les Chroniques, de Froissart, ou les compagnons du Prince Noir arrivés à Narbonne en 1355 « burent du vin à foison et du muscat ». La différence que note Froissart entre le vin et le muscat me laisse supposer que le muscat n’était pas du vin sec, mais du vin doux. On peut en déduire que ce vin était au-delà du vin, c’était un Nectar.
Le Muscat semble être le seul cépage à avoir conservé son nom depuis plus de huit siècles.
Autre cépage qui était important en Roussillon, la Malvoisie, que l’on trouvait encore dans les vieilles caves du Roussillon, dans des vieux futs de vin rance, ou Vi ranci. La Malvoisie était cultivé dans le jardin du château royal de Perpignan. Il y a de nombreuses malvoisies, la Malvasia du Roussillon n’est pas la même que les autres (51). Il s’agit peut-être d’un type de vin, plutôt que d’un cépage, et l’origine serait là aussi en Grèce, vers Manemvasia en Morée dans le Péloponnèse. On se souvient des expéditions de Morée au XIVe siècle. Le port de Manemvasia était réputé pour son activité commerciale. Cette Malvasia est parfois citée comme malvasia o vinum grech (52)
Eximeneç parle aussi de Monastrell : Mataro en Catalogne et Mourvêdre en France. Le Picapoll de Majorque qu’il cite, n’a rien à voir avec le Picpoul du Languedoc (53)
Pas de Granatxa, garnacha, grenache, mais on cite souvent Vernacce, Vernace, Vernaccia ou Vernaxe. A partir du XIIIe siècle ce mot désignait un type de vin doux d’Italie, bien diffusé par les marchands vénitiens. Ce vin jouissait d’une très bonne réputation et se trouvait sur la table de nombreuses cours européennes au même titre que les vins grecs ou chypriotes. Le Dominicain Geoffroy de Waterford écrivait dans son Secreum Secretorum vers 1290 ses notes de dégustation sur le Vernache ou Vernaccia d’Italie centrale « Le vernache est meilleur que le vin grec ou chypriote, qu’il est périlleux de boire en quantité, car sa force est tempérée, qu’il s’ouvre tendrement quand il arrive dans la bouche, flatte les narines et réconforte le cerveau, enchante le palais doucement mais avec force ».(54)
Eiximenis cite le fameux Vernace, comme un vin doux réputé apporté par les marchands Vénitiens.
Cette Vernaccia serait une Malvoisie Italienne. Vernage pour les anglais et Garnache ou Grenache pour les Français. Puis Garnache disparait au détriment des noms des ports d’origine de ces vins comme Malaga ou Alicante.(55)
L’etymologie du nom Grenache, Granacha ou Garnatxa, cépage fortement implanté dans les vignobles méridionaux français et dans toute la région aragonaise, pourrait venir du mot Vernacce, Vernatxe.
L’aptitude des Grenaches à donner des vins liquoreux et vieillissant rapidement a certainement été un atout pour sélectionner ces cépages pour produire localement des vins de type Vernatxe. Bien que non cité, le Grenache était certainement présent en Roussillon à cette époque. (56)
Mon père disait « la Granache » mais les catalans disent « el Garnatxa ».
Dans les vignes qui poussent autour du château royal de Perpignan, le Puig-Real, le souverain se réservait le raisin des vignes du Grec (57). Quel était ce Grec ? Un cépage, ou un viticulteur grec ?
Ces cépages ont en commun d’être tous issus de la Méditerranée, notre mer, la mare nostrum, ça mar, la mart comme nous disions en Roussillon.
6- leurs vins :
Petrus de Crescentiis, fils spirituel de Caton et de Columelle, né à Bologne à la fin du XIIIe siècle, dans son Liber commodorum ruralium achevé en 1303 conseillait de ne pas boire le vin trop jeune, c’est à dire de l’année, ce qui laisse entendre qu’il préférait les vins âgés.
Vi blanc :
La famille d’Alenya produisait du Vi blanch. Est-ce la première mention de Rancio sec ?
Leur inventaire de 1414 ne nous en dit pas plus (58). Dans les familles du Roussillon, nous ne parlions pas de Rancio sec, nous disions Vi blanc pour un vin blanc assez fort en alcool, environ 14 degrés, et très oxydé, qui vieillissait au fond de vieux tonneaux, et lorsque ce vin était particulièrement ardent, ou qu’il raclait le fond de la gorge, nous disions es ranci (59) en roulant fortement le r.
Mon père me racontait toujours l’histoire de sa tante Victoire à qui il proposait « vouleu Vi blanc ? » et elle répondait dans sa vieille langue roussillonnaise « ô, de lou del corn, qu’es ranci » (oui, de celui du coin qui est ranci). L’origine du mot ranci est latine, rancidus , qui a donné le mot français d’origine occitane rance , le rancio espagnol et le ranci roussillonnais et le ranzig germanique, qui caractérise un gout désagréable. Pouvons-nous identifier dans ce mot, la notion de drimutés qu’employaient les Latins pour exprimer un gout qui écorche la gorge ?
On fait souvent le rapprochement entre le vin de Jerez, le Xérès, le Vin Jaune du Jura, et le Vi Ranci du Roussillon. Ce serait l’« axe des Habsbourg ». Mais déjà, antérieurement à cet empire Habsbourgeois, nous pouvons voir les influences qui devaient exister dans des familles locales qui produisaient ce type de vin. Ponç de Perillous avait une épouse originaire des Flandres, Marie de Steenhout, dont il nous reste l’inventaire de la maison de Millas, elle semblait aimer les diamants, de culture bourguignonne et flamande, elle était dame de Yolande de Bar, future reine d’Aragon, qui les unit en 1380. (60) Ils avaient donc une culture des vins de ces pays, pays du Vin Jaune.
De même, Eularia Sagarriga était l’épouse de Sancho de Hérédia (61), famille aragonaise qui devait sans aucun doute connaitre les rancios de la région de Vitoria dont parle Saint-Simon en 1721, et qui étaient les présents pour les ambassadeurs (62).
Il y avait donc, un siècle avant le mariage de Jeanne la Folle et Philippe le Beau, un « Axe » précédent celui des Habsbourg, qui traversait déjà l’Europe, depuis les vins rances de l’Andalousie jusqu’aux vins jaunes des Flandres, de la Franche-Comté de Bourgogne, en passant par le Roussillon, ces vins ayant les mêmes composés volatils odorants, parmis lesquels le Sotolon.
Le role essentile de la molécule de Sotolon, a été mis en évidence par l’étude d’une œnologue roussillonnaise, Isabelle Cutzach en 1999(63)
Je pense que les familles espagnoles envoyées dans les Flandres, dans la Franche-Comté de Bourgogne, sous Charlequint, ont influencé la viticulture et la vinification locale. On retrouve toujours les mêmes familles, en Franche-Comté comme en Sicile ou la production de vins comme le Marsala, a pu se transmettre par des familles comme les Sagarriga, les Oms, les Podio ou les Peyrapertusa, qui avaient des terres en Sicile (64).
En 1453, la chute de Constantinople entraina la ruine du commerce des vins de la Méditerranée, mais ce malheur fit la fortune de commerçants du nord de l’Europe qui remplacèrent les vins Grecs, Italiens, Provençaux et Aragonais par les vins de Xérés, de Madeire et de Porto. Les Andalous nommèrent leurs vins « Romania » pour imiter les vins de la Méditerranée, et en 1491 le duc de Medina-Sidonia prit l’initiative de supprimer toutes les taxes d’exportation sur le vin. Les marchands Anglais, Allemands, et Hollandais oublièrent la Malvoisie et la Vernaccia, et firent la fortune de Jerez et de Porto comme ils avaient fait la fortune de Bordeaux auparavant. (65)
Photo d’un moine buvant « 1432890394545[1]
Nous n’avons presque aucun renseignement sur le vin rouge à cette époque. L’usage du soufre, est connu depuis l’antiquité, puisqu’il est mentionné par Pline qui en avait lu l’indication dans Caton, toutefois on imagine bien que les producteurs du Roussillon n’avaient pas de soufre à disposition au XVe siècle, c’est la raison pour laquelle les vins secs n’étaient pas conservés. On pourrait faire vieillir du vin rouge à fort degré, comme le « vi blanc », mais ce n’est pas notre tradition.
Vi doulç, vins médecins, vins aromatisés :
Il est certain que les vins doux existaient bien avant le moyen-âge, et que les antiques en buvaient.
Pline (66) écrivait « et l’on garde encore de ces vins qui ont près de deux cents ans ; ils sont désormais réduits en une sorte de miel amer(…). Leur invincible goût de rancio a tourné à l’amertume ». Galien mentionnait, lui aussi, les vins doux dans ses commentaires sur le traité d’Hippocrate.
La présence d’alambics dans les familles Puig et Batlle, dès le XIVe ou XVe siècle, prouve que l’ajout d’eau ardente était pratiqué (67). Benoit XIII aimait le muscat du Roussillon, qui était doux, bien entendu, et Eiximenis préfèrait lui aussi les vins doux. L’ajout d’alcool n’est attesté qu’à partir du XVIIe siècle à Porto, Madeïra et Xérès, mais cette pratique était déjà connue en Roussillon.
Arnaud de Vilanova, qui était médecin à la Faculté de Médecine de Montpellier au XIIIe siècle, aurait présenté à Jacques II de Majorque le « Regimen de Sanitat », la Régle de Santé, qui nous renseigne sur l’utilisation de l’alcool obtenu par la distillation (68). Mais je ne trouve malheureusement pas de preuves d’un contact entre Vilanova et Jacques II de Majorque, alors qu’il y a de nombreux actes prouvant les contacts entre Vilanova et le roi Jacques d’Aragon ou le roi Frédéric III de Sicile.
Dès le XIIe siècle l’Ecole de Salerne, près de Naples, ou on distillait dèjà, publia des traités sur les usages thérapeutiques du vin, dont le « Regimen sanitatis Salenitanum ». Il y a donc peut-être eu influence entre Salerne et Montpellier. (69)
Le Liber de Vinis, qui était attribué à Arnau de Vilanova, était la première œuvre sur le vin depuis la fin de l’Empire Romain. On ne sait pas exactement qui en est l’auteur. Ce serait peut-être une série de textes écrits sous l‘autorité du Maitre Sylvestre, vers 1322, le « Tractatus de compositione vinorum » et dédié « ad Carolum Francorum regem», au roi de France Charles IV le Bel. Il aurait inspiré le « De conficendi vinis », de Maino de Mainieri, en 1339, puis le « De Vinis » de Pierre-Arnaud « Perarnau » de Vilanova en 1341. Mais il y a plusieurs publications du De Vinis au XIVe siècle, d’un Petro-Arnaldo de Vilanova qui était Montpelliérain et médecin à la cour pontificale d’Avignon vers 1341.
Le Valencien Arnau de Vilanova n’en n’est donc probablement pas l’auteur.
Arnau de Vilanova avait des opinions bien arrêtées, parmi elles la certitude que la venue du Messie se produirait en 1378. Cela entraina une longue querelle avec les Dominicains de Valence qui brulèrent son livre. C’est le dominicain valencien, Guillem de Collioure, qui fit interdire ses œuvres et excommunier un proche du roi qui passait outre l’interdiction. Je ne peux m’empêcher de remarquer que le schisme commença en 1378…
On voit ici l’importante influence de la présence pontificale à Avignon, et des Facultés de Médecine de Montpellier, et de l’université de Salerne en Campanie, ou nos aïeux avaient des contacts grâce au commerce avec la Sicile et Naples. Eiximenis mentionne, lui aussi, cette école de Salerne, plusieurs fois, dans le chapitre « Ce qui est ordonné et honnête de boire » (70).
Le De Vinis atteste l’amélioration de la technique de distillation du vin qui permet de produire des eaux-de-vie qui sont associées aux substances médicinales.
On se servait de l’alcool pour des raisons thérapeutiques, les aygues ardentes, pour extraire les vertus des plantes utilisées dans la pharmacopée médiévale. L’origine de ses connaissances reste à découvrir : antique ou orientales ? L’auteur du De Vinis indiquait l’usage du vin dans ses régimes diététiques, quel type de vin servir en fonction des saisons et des humeurs. Comme aujourd’hui le vin blanc était conseillé pour l’été, et le vin rouge en hiver « a l’estiu blanc o rosat, a l’hivern lleugerament vermell…saboria senzilla i agradable i olor suavissima ».
« s’ha d’evitar que lo vi sigui agut o ardent, o groç i dolç », on doit éviter les vins aigües, acides ou brulants, forts en degrés, ou lourds et doux.
Comme les antiques, il s’intéressait aux vins aromatisés, pratique qui est resté en usage en Roussillon jusqu’au début du XXe siècle et qui a disparu sous la pression de l’Institut National des Appellations d’Origines Contrôlées.
On cite les principaux ingrédients utilisés pour aromatiser les vins, muscade, cannelle, gingembre orange amère, romarin, anis, miel, sucre et autres fruits et épices qui étaient ramenés « d’orient » ou de Sicile comme nous allons le voir par la suite.
Parmi les recette, le vin « piment », vin cordial, à base de bourrache, mélisse et épices, vin au coings, selon la recette de Dioscoride, vin au romarin, vin sauvage, à base de chou rouge et d’ortie pour soigner les plaies, vin râpeux, dans le mout duquel a été plongé du raifort et qui se prend en apéritif, vin d’euphraise, pour les yeux, vin de campanule, vin de sauge, vin d’hysope, vin de fenouil, vin anisé, vin au chiendent, vin dyamon, valant pour la reproduction, vin de charbon, vin de girofle ; Les vins macéraient à froid ou à chaud, ou concentrés par cuisson. Toutes ces prescriptions avaient un but nutritionnel ou thérapeutique. Je n’ai pas trouvé de mention de Fenugrec, conseillé par Columelle pour vieillir les vins, mais peut-être existait-il sous un autre nom ? Les antiques l’appelaient « foenum » le foin des Grecs, nous l’appellerions fenull.
Dans ce XVe siècle les vins les plus appréciés n’étaient pas toujours aromatisés pendant la conservation. On ajoutait souvent des épices au moment de les servir. C’est peut-être la raison pour laquelle on mentionne les entonnoirs dans les inventaires roussillonnais, pièce importante du service des vins (71).
Evidemment le muscat devait être apprécié pour ses saveurs orientales. Peut-on parler d’orientalisme dans les gouts de cette époque ? Est-ce l’influence des croisades, ou de Constantinople, ou plus simplement la Sicile si chère à notre roi Martin ?
Les vins étaient parfois servis chaud, avec de la cannelle, ou avec du miel, d’ailleurs on trouve de nombreuses ruches chez certains familiers du pape, comme les Batlle à Salses, mais on peut penser que le miel était beaucoup plus facile à obtenir que la cannelle.
En 1408 la Compagnie de Sicile, créé à Collioure par Tallavis, Puig, Montserrat et Macip, était chargée de ramener du gingembre (72), et celui-ci était utilisé dans les préparations des vins aromatisés, comme le clou de girofle, la cardamome, ou toutes sortes d’épices poivrées , « les piments » ou « vy pimentats » comme digestifs. Ce piment venait d’orient et n’a rien à voir avec le piment actuel provenant des Amériques depuis l’époque des conquistadores. Les arômes anisés étaient appréciés, ainsi que la coriandre.
La fleur de sureau donnait un gout muscaté, et la tradition est restée dans les familles roussillonnaises de mettre un sachet de fleur de sureau dans le muscat, « flou de Sabouc » comme disait mon père (73). Les vins étaient préparés avec des fruits, avec de l’orange amère. C’est une recette qui était appliquée à Thuir chez mes arrière-grands-parents qui mettaient des écorces d’oranges amères dans les futs de vins doux. Nous y mettions aussi des amandes amères, car il y avait beaucoup d’amandiers aux amandes amères dans les basses Aspres Toutes ces recettes avaient des références antiques, issues de vieux usages transmis par les familles ou par les documents conservés dans les abbayes, comme firent les moines de Viladomar, à Thuir.
Vins de la méditerranée :
Nos messieurs du XVe siècle étaient donc bien informés sur les qualités et les défauts du vin. Leurs relations familiales en Sicile, à Salerne et à Naples leur avait permis d’accéder aux connaissances que l’on retrouve plus tard en France. Ce n’est pas un hasard si un Podio ou un Perillous étaient ambassadeurs du roi de Sicile, ou si les Batlle gardaient chez eux des couvre-lits aux armes d’Aragon et de Sicile. L’attrait pour ce pays était extrêmement fort, beaucoup plus que pour la Grèce ou la Sardaigne.(74) Les vins de ce monde méditerranéen, complètement oxydé, étaient appréciés.
Je ne peux continuer sans citer la grande référence Française à titre de comparaison, « La bataille des vins » d’Henri d’Andelli, qui raconte l’histoire d’une dégustation comparative organisée par le roi de France. Plus de 70 échantillons furent dégustés, de Moselle, d’Alsace, du Midi, de Saint Emilion, d’Epernay, de Beaune et même d’Espagne et de Chypre. C’est le vin doux de Chypre « qui resplendit comme une étoile » qui l’emporta. Le dégustateur, un prêtre anglais, termina par cette remarque « Prenons tel vin que Dieu nous donne ». (75)
Ce vin de Chypre est mentionné dans de nombreux textes, Casola en 1494 le mentionnait comme étant « fait avec de la résine » (76), et Eiximenis, lui aussi, nous en parle souvent, car ses vins favoris étaient les vins doux et « grecs », de Chypre, de Crête, de Candie et de Majorque. A cette époque, Chypre appartenait à la dynastie Française des Lusignan jusqu’en 1489. Au moment du Concile de Perpignan, la reine de Chypres, Eleonor d’Aragon, était à Barcelone, depuis 1382 jusqu’à sa mort en 1416. Il est donc normal que le vin de Chypre, déjà si connu, ait été particulièrement apprécié
Le vin grec qui arrivait encore en occident, car Constantinople n’était pas encore tombée entre les mains des Turcs, était très apprécié. Les relations entre les familles de Constantinople et celles de l’occident catholique étaient réelles, comme le montre le mariage d’Eudoxie Commène avec Guilhem de Montpellier, les grands-parents du Conquérant.
Il y avait une myriade de petits royaumes chrétiens en Méditerranée, chacun produisant son vin, comme le Commandaria des Chevaliers de Rhodes(77). Après la chute de Rhodes ces chevaliers se réfugièrent à Malte, et déplacèrent leurs productions de vins doux dans des commanderies comme celle du Mas de Dieu, lo Mas Deu, en Roussillon, ou à Conjunta, Santa Colomba de la Commandaria.
Les relations commerciales avec Chypre ou avec Rhodes étaient nombreuses, comme avec la Sicile. La création de la Compagnie de Sicile à Collioure en 1408 nous en apporte la preuve.
Photo sceau de la jarre de Conjunta.
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Vocabulaire d’Eiximenis :
Le vocabulaire d’Eiximenis sur les vins est riche : « bec grec d’estiu, e d’hivern cuit, e moscatell, malvesia, tribia, corsec o Candia, o vernaixa ; e a la fi clarea…o piment… »
« dels vins vermells de la terra no en puix beure ; per tal, bec d’estiu calabresc de Sent Onoixent, Turpia o Trilla, picapoll de Mallorca, rosat o dels clarets d’Avinyo. D’hivern, del Madrid de Castella, o d’aquelles vins fins espanyols, o de Gasconya, o del monastrell d’Emporda » (78)
Ses gouts le portaient vers les vins blancs, doux, aromatiques et forts.
Com usar be de beure e menjar: « evitar beure massa vi en els messos d’estiu », « primarement lo remiren de totes parts, aixi com lo metge remira la horina del malalt ; amprès, beun-ne un glop o dos, mastegant lo vi entre les dents ; après ne beuen atretant faent semblants actes, e aço fan tantes vegades fins que han begut lo vy » « llos franceses fan aixi mateix…e tot aço fan per trobar delit e plaer en lo beure », « los catalans han los vins spessos e fortegals, e per tal se han a portar al mit e a profit del cos ab poder d’aygua » (79)
Il s’agit là du point de vue d’un homme né au bord de la Méditerranée, dans un monde ouvert sur notre mer, bien loin du monde actuel, ouvert sur l’Atlantique.
A la même époque le poème « La Desputaison de vin de l’iaue » opposait les « Vins de France » aux « Vins de Bourgogne » (80)
« Ceux qui s’appesantissent sur le vin, y pensent et y réfléchissent sans cesse, dont le discours, l’écriture et la personne se moulent sur lui, en souffriront les conséquences » Eiximenis est un moraliste.
« Ce n’est pas le vin qui est responsable. Le vin est une création divine, bonne et noble, c’est l’usage qu’en font les hommes qui est mauvaise » disait l’administrateur de l’évêché d’Elne, Eiximenis
Ces vins oxydés du Roussillon étaient appréciés, mais ont malheureusement était dépréciés par les autorités de culture nordique, en particulier par l’INAO et tous les groupes de contrôles officiels, habitués aux vins plus légers et plus fruités du bordelais ou de Bourgogne. Les douanes ont participé à la destruction de ce patrimoine en nous soumettant à des contrôles sur les variations de stocks qui nous ont obligé à supprimer nos vieux cellers pleins de barrals poussiéreux qui ne correspondaient plus à l’idée de l’hygiène alimentaire des nouveaux conseilleurs. J’ai vu disparaitre des caves entières de familles anciennes désespérées par l’administration française.
Ces vins sont sans aucun doute les derniers survivants de la viticulture méditerranéenne antique, et sont les derniers vins antiques.
7- Leurs « çellers »:
Nous savons par leurs inventaires que le cellier était une partie importante de l’héritage laissé par les défunts. Les celliers, ou çellers, étaient plus abondants que les bibliothèques.
Il y avait 27 tonneaux chez les Alenya, qui n’avaient que 2 livres et 64 armes, 21 tonneaux chez les Batlle, qui avaient 19 livres et 102 armes, 16 tonneaux chez les Puig qui avaient 16 livres et 91 armes, et aucun tonneau chez les Perillous qui avaient pourtant des vignes, et qui n’avaient que quelques livres et 15 armes, (mais ils avaient des diamants, et un anneau d’ivoire de Licorne, n’est-ce pas l’essentiel?) (81).
Le çeller était présent dans presque toutes les maisons, rurales ou urbaines, car le vin était un aliment, mais aussi parce que le chai était un signe de richesse au même titre que la bibliothèque ou la salle d’arme. Le çeller est l’héritier de la Cella, le lieu sacré par excellence, le cœur des temples antiques. La cella vinaria des romains a donné le chai.
Les tonneaux, symbole de pouvoir et de richesse, faisaient partie d’un inventaire représentatif d’un ordre social. L’accumulation de vins était rassurante pour l’avenir, car les vins doux constituaient une sorte de placement. L’entretien de ces çellers ne devait pas nécessiter beaucoup d’entretien, d’ailleurs Petrus de Crescentiis conseillait de rincer les fûts avec du vieux vin avant de les remplir de nouveau,
Eiximenis recommandait de laver les tonneaux avec un seau de vin, et c’est ce que nous faisons toujours dans ma famille, pour conserver les bactéries qui sont présentes dans les tonneaux.
Photo des futs
Un çeller du Roussillon, qui était autrefois en terre battue, sous ma maison familiale, avec les barrals et au fond le barricot.
Le vocabulaire employé par les notaires chargés de faire les inventaires des çellers est le même qu’il y a quelques décennies. Nous parlions de barral, tina, bouta, embout, et botella.
Le barral correspond au baril, du Latin médièval bariclus, le barriculus gallo-romain, petit tonneau, qui a donné la barrique en français et le barricot. La tina est un tonneau de grande dimension, du gaulois tonnel, une cuve en bois. La bota (« boute ») est une cuve, du latin buttis, le vase. C’est le diminutif de buttis qui a donné la boticula, la botella, la bouteille, qui est aussi appelé l’ampolla. Le vin mis dans une bota est embotat (« emboutat »). . L’embut ou embuyt est l’entonnoir.
Nous avions donc l’influence latine, bariculus, et gauloise, tonnel.
Dans les inventaires que j’ai consulté, il est attesté plusieurs foudres de plus de 50 hectolitres, jusqu’à plus de 72 hectolitres, ce qui montre la présence de tonneliers très compétents, en Roussillon au XVe siècle.
L’Honorable Pierre d’Alenya, mort en 1414, avait 24 tonneaux de diverses contenances et une cuve en bois de LX somades, soit environ 72 hectolitres, la somada , ou charge, ayant une unité d’environ 120 litres. Ce foudre de 72 hectolitres devait être énorme pour l’époque.
Nous avons toute la liste de chaque contenant avec les contenances, en somades ou en barrals « un barril de un barral », ou « altra bota de tres barrals plena de vi blanch»
Il est intéressant de noter la présence de bondes en bois pour la cuve, la tina, et en fer pour les tonneaux. On note les comportes, détail important qui prouve qu’il y avait des soutirages depuis les tonneaux dans les comportes, qui servaient également pour les vendanges. « Un embout pour livrer le vin », c’est-à-dire un entonnoir pour remplir les tonneaux ou pour verser dans les cruches. Les Alenya avaient des jarres à huile dans leur quatre celliers, et du Vi blanch comme je l’ai déjà expliqué, et leur vigne favorite à Orles.
L’Honorable chevalier Berenguer Batlle, mort en 1446, dont l’épouse était la nièce du fameux évêque de Valencia, Mossen Hug de Llupia-Bages, grand ami de Benoit XIII et d’Eiximenis, avait un cellier à Rivesaltes, comportant 21 tonneaux soutenus par trois poutres…ce qui nous donne au moins l’indication précise sur la manière d’agencer la futaille. Ce n’était pas le cas chez les Alenya qui avaient leurs petits futs sur des chevalets. Batlle avait aussi un foudre de 50 somades, soit environ 60 hectolitres. Je note qu’il y avait deux petits entonnoirs d’airain, pour servir le vin dans les pichets en étain. Les bondes des futs étaient en métal, ce qui est assez surprenant car il serait plus facile d’avoir des bondes en liège. Pour quelle raison faire des bondes en métal?, et le notaire précise « Grande bonde métallique et deux petites bondes de métal ».
Là aussi des comportes, et toujours pas de pressoir, ce qui me laisse penser que le cellier servait uniquement au stockage du vin, mais il y avait un cuvier à vin de six charges, soit 7.2 hectolitres, ce qui prouve que le raisin était bien pressuré dans ce cellier, et coulé dans ce cuvier avant d’être mis dans les tonneaux.
Par contre le notaire mentionne un pressoir pour le miel et une centaine de ruches dans les dépendances du castell vell de Salses, pour assembler aux vins. (82)
Outre les très nombreuses armes et 42 pièces de vaisselles, il avait aussi 19 livres.
Bien que représentant une famille fidèle aux rois de Majorque, les Batlles se sont bien adaptés à la dynastie d’Aragon, puis semble avoir été favorisés par Ferdinand et Alphonse, la nouvelle dynastie des Trastamare.
Au XIXe siècle, Alart résumait bien l’intérêt de l’inventaire des biens de Mossen Mathias des Puig, mort en 1424: « Outre sa maison à Perpignan, « lo castell de Taxo e termes de aquell, item lo lloch e termes de Mossellos, item la cassa hon lo dit Mossen Massia habitava scituada dins la forsa del dit lloch de Taxo », suit la description, pièce après pièce des biens (livres, armes, étoffes, meubles) contenus dans cette demeure.
Au cellier de celle-ci, on trouve des ustensiles et récipients propres à la viticulture : une cuve, deux grand cuviers et un petit, quatre comportes, un tonnelet, treize barriques, un entonnoir à filtrer, mais aussi des objets de peu de valeur, encombrants ou usagés : des besaces de cuir, un pétrin, un canis de roseaux. S’y conservent des réserves de denrées : seize jarres pleines d’huile. Non loin est gardé le bétail : environ 90 porcs et truies, plus ou moins gros, quatre veaux, deux juments, deux mules. »
Il vivait dans l’enceinte fortifiée de Taxo, dans une maison qui ne pouvait être le château lui-même puisque celui-ci était ruiné dès 1385, « la vila de Taxon d’avayl » qui touche « ab lo val del dit loch », une maison (casa) qui est dans la « vila » et qui voisine avec la place et une rue, un « pad » sur lequel s’élevait le château (castel) détruit, un terrain ou s’élèvent quelques maisons de construction récente, un verger qui est contigu à ce terrain et un cellier qui touche à lareter (peut-être le terrain ou l’on laisse le résidu du battage du blè) du sacristain et à la motte du seigneur, une maison dite « des prédicateurs » (Dominicains) qui touche au cimetière de Taxo d’Avall et le four à pain qui touche à un autre « areter ». (83)
2017023_094735 Inventaire du rabost et du çeller de Mossen Mathias en 1424. ADPO 1 E 319.
20170823_094735
Et dans le çeller(84) :
- dos barals pochs (deux petits tonneaux )
- XII paveses ab lo senyal des Puig
Al rebost : (…) item dos gerres olieres (deux jarres d’huile)
Al seller : (…) une besasses de curs (des outres pour transporter le vin)
- una tina de rana de XXX saumades ab una corba (une cuve de 40 charges avec une courbe : un foudre de 50 hectolitres environ.)
- II tinarts grans e un poch (deux grands futs et un petit)
- IIII semals (4 comportes)
- una pasterassa
- XIII botes entre grans e poques (13 cuves grandes et petites)
- un embuyt de colar (un entonnoir pour coller)
- una cayxa, Item un baral (un baril)
- XVI gerres plenes d’oli, item una boyda (seize jarres pleines d’huiles, une vide)
- I canis de tenir forment hon ha en ran VIII aymines de forment (une cannisse pour garder le froment ou la récolte est de huit émines de froment)
Photo :Transcription d’Alart, au XIXe siècle, de l’inventaire d’Al seller en 1424.
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Dans aucun de ces inventaires on ne trouve de pressoir, ce qui met un doute sur la fonction du çeller, ou seller qui est bien attesté dans les documents. Pressurait-on ? ou n’était-ce que des celliers de conservation des vins avant mise en carafe pour servir ?
Pourtant certains actes de cette époque portent la mention « vineas cum torculario »…torculario le pressoir dont l’origine remonte au Torculum romain, le Trull.
Le Trull est le bac en bois dans lequel on foulait le raisin avec les pieds, d’où le nom de « vini pedi » mentionné dans le cartulaire de Villis, de l’époque carolingienne, qui distingue les vini primi, jus de coule, du vini pedi, pressé avec les pieds et les vini secundi, vins de presses allongé d’eau.(85)
Dans les anciennes caves des Parahy de Passa, il y a encore les éléments de l’ancien pressoir en bois, qui doit dater du XVIIIe siècle, et un vieux trull, provenant de la famille Amourous d’Argelès, qui servait à fouler le raisin avec les pieds, mais aussi à dépecer le cochon, et éventuellement à faire de la pate, d’où le nom « pastere » que l’on donne au même meuble plus petit. Une « grande pasterasse » peut donc permettre de fouler et de presser les raisins, donc servir de presse, et cette pastere est un « trull », je ne peux m’empêcher de penser que la « pasterassa » de Mossen Massia est en fait un pressoir à pieds, qui devait aussi servir pour dépecer ses 90 porcs ou pour pétrir le pain !
Difficile à imaginer de nos jours, dans notre société beaucoup plus compartimentée que celle du XVe siècle, que les 90 porcs vivaient dans la cour d’une maison qui avait 16 livres et des joyaux.
On peut imaginer dans quelles conditions le pape traversa Taxo en Juillet 1408.
Photo :Le trull sur les cuves du çeller des Parahy de Passa, provenant du çeller des Amourous d’Argelès.
Mossen Mathias possédait aussi de nombreuses bassines, plats, cruches en étain, ou en argent. On note qu’aucune cruche ou plat en terre ou en bois n’est inventoriée. Sans doute s’est-on limité aux biens les plus précieux. On trouve un entonnoir à filtrer, outil essentiel pour préparer les vins à être bus. Le canis pour garder le froment, devait aussi servir pour étaler les grappes de muscat, afin de les pressurer bien murs, comme on le faisait encore il y a quelques années ; mon père appelait ça uva passa. La tradition de conserver des muscats jusqu’à Noël est connue en Roussillon, et les grappes étalées sur la paille ou les canis de roseau rappelle les Vins de Paille du Jura, ancienne province espagnole.
Il y avait aussi chez Mossen Mathias, les deux alembichs dont nous parlerons plus loin.
Ponç de Perillos, mort en 1426, n’a pas laissé d’armes ni de futs dans sa maison de Millas, mais comme le remarque Cisterne, il n’était pas l’ainé. Sa vie de voyageur infatigable ne lui a pas laissé le temps de constituer une cave de vieux tonneaux, ni une armurerie, ou bien ces deux lieux devaient être ailleurs ? Je ne le crois pas. Ponç était le cadet de Ramon, qui devait avoir hérité l’armurerie familiale, et le çeller. (86)
Frère Miquel Agusti, religieux perpignanais du XVIIe siècle, écrivait que les vins du Roussillon avaient une force supérieure car on écrasait soigneusement les raisins avant de les jeter dans la cuve.
(87)
La mise en bouteille se faisait directement à partir des tonneaux, dans les bouteilles ou cruches d’airain ou d’argent qui sont attestées dans ces inventaires, avec un entonnoir. Les Alenya en avaient plusieurs en étain, et Puig avait un entonnoir pour coller les vins « Item un embuyt de colar ». Collait-il au blanc d’œuf ? ou s’agissait-il d’un entonnoir muni d’une grille qui permettait de filtrer ?
8-Le commerce du vin :
Comme partout ailleurs, les vins secs produits dans ces vignobles du Roussillon étaient vendus rapidement, et peu de vins secs étaient vendus loin de leur production. Un impôt était parfois levé sur les ventes de vins, le vêt du vin, mais certaines paroisses en étaient exemptées. D’autres impôts existaient, comme le barral, la canata ou la migeria, à verser dans le cellier du seigneur (88) qui étaient des amateurs face aux spoliations actuelles.
Les tarifs des Leudes, ou tarifs marchands indiquaient le montant d’un droit, la leude, prélevé sur la marchandise transitant par une place marchande. Chaque produit ayant ses taxes suivant son origine et l’origine du marchand, le volume de vin, il est difficile de connaitre le tarif de ces impositions (89)
Par exemple, les Leudes de Taxo, qui sont attestées au XIVe siècle furent supprimées par Petro de Podio en 1310 (90) Pour quelle raison le seigneur d’un site comme Taxo percevait-il des Leudes ? Y avait-il un passage aménagé qui demandait un entretient? Un pont sur le Tech ?
Au XIVe siècle, le déplacement du Tech vers le nord d’Elne, vers Moussellous, avait-il rendu obsolète l’usage d’un pont qui était entretenu grâce aux Leudes ?
Lorsque la récolte était insuffisante dans les comtés, l’importation de vins étrangers était permise mais soumise au Droit de Boutatge, qui était un droit de mise en « boute » (91)
Les « boutes » sont de grands tonneaux, plutôt des foudres, d’où le terme que nous utilisions encore à la fin du XXe siècle, « amboutar », ou « entonner » pour charger les citernes de vins.
La ville de Perpignan ne vendant que les vins produits dans ses terroirs du Vernet, Bajoles et du Reart, il restait peu de places importantes pour vendre les vins des autres vignobles.(92)
Plus d’un siècle avant l’époque du Concile, Jacques II de Majorque avait pris des mesures de protection en faveur des vins du Roussillon, et plus particulièrement ceux de Perpignan, en interdisant d’importer des vins extérieurs à son territoire allant du « château de Vernet, Mailloles, Bajoles et Mas de la Garrigue du Temple ». En ce même temps les ordres religieux bénéficiaient d’une franchise sur les vins de leurs domaines, et l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, qui avait récupéré les biens du Temple, dont le port de Collioure, a développé l’activité commerciale grâce aux exonérations sur les ventes de vins « Vi de Templers no paga res ».
Le royaume de Majorque a joué un rôle essentiel dans les échanges commerciaux des vins en Méditerranée. Les rois de Majorque ont freiné l’importation des vins étrangers, par terre ou par mer, et ont favorisé fiscalement les vins locaux. Collioure bénéficiait d’un privilège interdisant l’importation de vins étrangers « que alcua persona estranya no puscha en Cochlioure aportar vins estrany ». La bourgeoisie enrichie par le commerce du drap s’intéressait au commerce du vin, comme le prouvent les Capbreus. Puis en 1374, Pierre IV d’Aragon avait nommé les officiers royaux chargés de veiller à l’application de l’ordonnance royale taxant les vins importés.
Le vin du Roussillon était parfois exporté par les Génois, qui venaient le chercher à Collioure, mais il existait des chargements de tonneaux directement sur les plages, en les faisant rouler vers la mer, puis flotter jusqu’aux navires qui les chargeaient ensuite avec la peine que l’on peut imaginer.
L’embarquement de 1000 tonneaux de vin sur une nef, par François Pagés, de Collioure, patron de la nef Santa Maria, est attesté, et l’expédition de 200 tonneaux de vin muscat et autres vins par P. Creyxell et Bernard Riambau, marchands de Perpignan, vers le port de l’Ecluse en Flandre, en passant par « Xabessa ».(93) Je ne peux m’empêcher de penser que le commerce du drap avait influencé celui du vin. On retrouve d’ailleurs nos familles roussillonnaises dans les Flandres par la suite.
Jacques cœur, grand négociant et armateur, commandait lui aussi des vins du Roussillon à destination du Port de l’Ecluse dans les Flandres comme l’atteste ce chargement de navires partant de Collioure avec 232 futailles de vins rouges, vingt autres de moscatell plus 14 futs de vin « nectar » (94), et la reine d’Aragon se fait livrer par son boteller, des tonneaux du meilleur vin rouge de Perpignan , car, dit-il « vous savez bien que la reine ne veut boire d’autre vin que celui qui vient de Perpignan »(95).
Le muscat était exporté au XVe siècle, dans les résidences royales de Barcelone, Valence, Saragosse et Naples, les comptes de la procuration royale font foi.
Bernardo de Podio, viguier du Roussillon et Vallespir se livrait au commerce et exportait vers Valencia du blé et du vin vers 1390-1400. Nous ne savons pas s’il exportait le vin de Taxo.
La Compagnie de Sicile, fondée en 1408 par Tallavis (96), Puig, Macip et Montserrat, (97) afin de commercialiser leurs draps, est un exemple du commerce en Méditerranée. Montserrat fabriquait les draps, Macip les apprètait, Tallavis les faisait teindre et Pere des Puig devait résider à Syracuse, Catane ou à Messine pour y faire vendre ces produits dont la valeur devait être envoyée à Aigues-Mortes, en France, ou à Majorque. Il pouvait faire des échanges avec des produits venant d’orient, comme le Gingembre ou la soie, ou des esclaves de Slavonie, âgés de 12 à 20 ans. Un port à Paulille était leur point de départ vers « les illes ».
Comme tant d’autres familles, une partie de la famille Puig s’était installée en Sicile depuis 1296 et avait obtenu en fief la concession du Casal de Calamonaci (98), et les relations commerciales devaient exister. Berengario des Puig ancêtre des actuels Spucches, producteurs de Marsala, y était arrivé après les Vépres Siciliennes, comme de nombreuses familles roussillonnaises, valenciennes, catalanes et majorquines, que les siciliens appelaient « famiglias di Aragona »…et dans d’autres conditions « Catalanis » à partir de la fin du XVe siècle. (99)
Contrat de la Compagnie de Sicile en 1408. ADPO 1B250.
Il est difficile d’affirmer que le commerce était rare, car nous avons peu de documents qui attestent de relations commerciales, et nous ne pouvons pas imaginer quelles étaient les relations avec des royaumes disparus comme le royaume de Chypre, le royaume de Sicile, l’empire Byzantin. Tous ces royaumes chrétiens ont disparus dans la seconde moitié du XVe siècle, abandonnés par nos rois et nos papes qui faisaient face à d’autres préoccupations.
L’invasion turque puis la découverte de nouvelles routes des épices, eurent raison du commerce méditerranéen, et le Roussillon, entra dans une époque de régression, dont il n’est jamais sorti.
9-Leurs services de table:
Savoir Boire :
Les services de table des personnages dont nous avons encore les inventaires, sont des preuves de leur goût pour le vin. Ils aimaient boire. La présence de mobilier dédié à la boisson le prouve, le nombre de tables, de bancs et de chaises ou fauteuils nous montre des gens qui aimaient s’assoir en compagnie.
Photo d’un banquet
Les tasses servaient pour boire le vin, comme le précise Eiximenis, « La manière de le boire doit être courtoise et propre » (100) et elles sont attestées dans les inventaires du Roussillon, notamment en argent. Il y a aussi des gobelets, mais Eiximenis nous précise que ce sont les français qui les utilisaient. «Les Anglais boivent à même un hanap de vin quand ils sont vingt ou trente. Chacun boit une gorgée. Les Espagnols boivent dans de grandes tasses. Les Maures boivent dans de petites cruches et ils boivent tous à la même cruche. Les Français boivent dans de petits gobelets mais ils ne veulent pas d’eau. La manière de boire la plus propre est celle des Italiens.» Les allemands étaient réputés boire le vin pur, sans eau, comme les gaulois dans l’antiquité. Les aragonais, donc les roussillonnais, buvaient leur vin coupé d’eau.
« Le buveur doit tenir sa coupe convenablement d’une main, puis la porter à sa bouche, et non pas la bouche à la coupe(…). Certains ne soulèvent jamais leur coude de la table quand ils boivent (…) et ressemblent (…) à des cochons » mais il n’aime pas les précieux et ceux qui « tiennent
curieusement leur coupe avec trois doigts ».
Il félicite les Italiens d’attribuer une coupe à chacun, car dans le reste de l’Europe la même coupe faisait le tour de la table. Une fois de plus nous pouvons noter l’influence italienne chez Mossen Mathias, qui possédait de nombreuses coupes dont certaines ouvragées (101) :
- una sitra d’arggent qui pesa dos marchs e una onsa,(une cruche d’argent qui pèse deux marcs et une once, (102)
- dos citres poches d’argent francesas (deux petites jarres françaises en argent )
ab obratge descata, al peu de cascuna ha corona e al fronts de cascuna hon un armant redon ab lo camper blau dins lo qual camp ha un scut vermell ab una colona sorada blancha, los quals pitxes sancayxen la un ab l’altre qui pesen dos marchs un onse e migt cart,(avec des motifs détachès avec chacune une couronne au pied et au versoir de chacun un email rond avec le fond bleu, dans le fond il y a un ecu vermeil avec une colonne ensablée blanche, les dites cruches sont emboitées l’une dans l’autre et pèsent deux marcs, une once et un demi-quart)
- copa d’argent endaurada dins e de fora qui pesa deu onzes menys una vuytana
- una copa endaurada dins e de fora ab corona al mig e daltre partsobre una (…) e ab tres pes de lahons ab armant al mig qui pesa nou onses e tres carts (une autre coupe dorée dedans et dehors qui a dessus trois lionceaux et des éléphants en email bleu et pèse neuf onces) (103).
- una scudela ab ores amples d’argent pesa un march menys mig cart (une écuelle avec des grandes oreilles d’argent qui pèse un marc moins un demi-quart)
- altra tasa blancha pesa seys onses menys un cart (une tasse blanche qui pèse un marc)
- altra tasa martellada blancha pesa un march menys mig cart (une autre tasse martelée qui pèse un marc moins un demi-quart)
- altre tasa blancha dargent pesa seys onses menys un cart (une autre tasse blanche en argent qui pése six onces moins un quart)(…)
De nos jours, les dégustateurs de vins utilisent des crachoirs.
Eiximenis précise bien qu’il faut cracher discrètement entre ses jambes, et non pas dans un crachoir comme aujourd’hui.
: « si tu dois cracher, écarte les jambes et crache par terre. Puis recouvre discrètement la matière avec le pied. » (104)
« ne crache jamais dans ta main une bouchée, c’est malpropre. Ne crache jamais le noyau d’un fruit, cerise ou prune, dans ta main, c’est le signe de mauvaise éducation. Il suffit de baisser la tête et de le cracher sous la table » (105)
« L’homme qui a soif l’été doit boire de l’eau », formant la différence entre la soif et la dégustation.
L’art du verre transparent aurait été perdu en Italie depuis la Rome antique, puis ramené de Syrie par la Sérénissime au XIIIe siècle. (106) Mais des verres à pied conique orné de côtes moulées sont attestés dans le midi de la France à partir de la fin du XIIe siècle (107). Des fragments de verres ont été découverts en Roussillon et étudiés. Certains sont du XIIIe siècle. Ils permettent de reconstituer des gobelets, certains avec des décors bleus, des verres à pied ou à jambe qui étaient utilisés à la fin du XIVe et au début du XVe siècle. Des petites bouteilles ou des fioles en verre fin existaient avec des décors moulés, ainsi que de grandes bouteilles, parfois avec des cordons rapportés et incisés.
Le verre, présent à Vilarnau au XIVe siècle dans les maisons paysannes, sous forme de flacons, gobelets ou coupelles, est rare dans les inventaires : on ne le trouve que dans ceux des clercs ou dans les inventaires urbain. Perpignan, 1384, dos ampoles de veyre, una tassa de veyre ; Céret, 1413, tres rethomes de veyre, una rethoma tentera (bouteilles pansues, encrier ?) ; Perpignan, 1388, un got de veyre, una taça de veyre ; Perpignan, 1389, un bosseyl de veyre coopertum de payla (une grosse bouteille de verre entourée de paille pour la protéger des chocs et tenir au frais l’eau ou le vin) (108).
Savoir Servir :
Par leurs fonctions à la cour pontificale ou dans les cours qu’ils avaient fréquentées, et ou ils avaient servis comme camérier, échanson ou chambellans, nos messieurs étaient habitués à servir. Ils savaient d’ailleurs servir avant tout lors des cérémonies militaires et religieuses, et également à table. Comme le précise Eiximenis, « si tu dois servir, observe ce qui suit » et il décrit toute l’étiquette, et les usages du service de la table, jusqu’aux expressions que doit avoir le serviteur dans les moments les plus délicats.
Le service du vin se faisait par étape, or nous voyons que ces messieurs possédaient des entonnoirs pour remplir les cruches en étain ou en argent à partir des tonneaux, pour aller servir à table.
Les échansons servaient selon le rang des personnages, et les coupes étaient distribuées en fonction de leur autorité (109).
Nappes de table, panier pour le pain chez Pierre d’Alenya dans sa maison de Perpignan, place de la Laine (110). Sa salle à manger est indiquée par « Et primo in menjadorio ipsis domum « « item intus cameram prope menjadorium… » le menjador ou mangerie, de menjar : manger, que nous autres roussillonnais avons toujours appelé « lou menjadou ».
On ne donne pas de détail de service de table, quelques céramiques de Valence, mais de nombreux ustensiles de cuisine et en plus de la salle à manger dans la maison de Perpignan, il y a un salon, et quatre caves et celliers dans les diverses possessions. De nombreux bijoux, anneaux avec diamant, et chapelet d’or, et surtout leurs armes « Lo camper de guella una ala de or punta de bayx ».
Le mobilier nous parait pauvre, seulement trois tables, dix sièges et bancs, mais c’est une belle maison de l’époque.
Chez Mossen Mathias Puig, pas de descriptif des pièces de la maison de Perpignan, ni des pièces de la maison de Taxo, dans laquelle il y a de nombreux objets précieux, mais également trois tables, comme chez les Alenya, et 28 sièges et bancs, 24 pièces de vaisselle.
Chez les Perillos “A la primera cambra del soler qui mira al sementeri de la glesa del dit loch: ”
“Al menjador de la dita casa: primo, quatre taules”
Chez les Batlles il y avait six tables et quinze sièges et bancs , 42 pièces de vaisselle et des tapis mauresques et tapisseries.
L’inventaire de ses biens nous montre une maison bien meublée avec de nombreux coffres dont un portant les armoiries des Batlle « une grande caisse vermeil décorée de papegeais », et le nécessaire pour tenir une table honorable, deux aiguiéres d’étain sans bec, deux aiguières d’étain avec bec, trois pichets d’étain, de nombreux plats en étain, et deux petits entonnoirs en étain, preuve de l’intérêt pour ces objets qui servent à transvaser le vin pour le décanter.
Les draps et couvre-lits sont nombreux, un couvre-lit aux armes royales multicolore de valeur certaine et neuf, une petite tapisserie vermeille et multicolore de qualité, aux dessus avec des semis vermeils avec les armes royales de Sicile et d’Aragon…encore la Sicile, souvenir du roi Martin. La cave est détaillée plus loin, et la bibliothèque aussi. Berenguer Batlle avait visiblement servi le roi Martin de prés, et récupéré des objets personnels après sa mort ou lors d’un don, car il a des harnachements aux armes d’Aragon et de Sicile, couvre lit, etc. De nombreux objets aux armes de sa famille, les papageais, deux perroquets se faisant face et leur devise « voy e limes ».
Ces inventaires précisent qu’il y a des louches mais pas les petites pièces, et Eiximenis nous précise
« Prends la cuiller par l’extrémité du manche, loin de la partie creuse, et ne mets pas en bouche la partie creuse si elle est trop pleine. Ne laisse pas la cuiller continuellement dans l’écuelle, mais hors d’elle, la partie creuse sur une languette de pain » (111), puis il signale que les anglais mangent à deux dans la même écuelle « Manger à plusieurs dans une écuelle, comme le font les Sarrazins, est impoli, surtout en prenant la nourriture à pleine main comme ils le font avec le couscous. »
« Ne mets pas la main dans la salière. Tu prends du sel avec le couteau et tu mets dans le tailloir » (112)
Eiximenis fait dire à son « golafre » :« Je n’utilise que des sauces épaisses et bouillies, ou la sauce de paon », les paons semblent avoir eu une place d’honneur dans les cuisines de cette époque, ainsi que dans l’apparat puisque Mossen Mathias possédait une guirlande de plumes de paon, « item lo guirlandeu de ploma de pago » (113). Ces paons sont attestés dans les jardins royaux du château de Perpignan, là ou logeait Benoit XIII en 1408, et les recettes de paons en sauce sont connues.(114)
Il faut noter que Batlle et Puig avaient des chaises-percées, détail important lorsqu’on lit Eiximenis qui précise « si un convive laisse échapper un vent qui ne passe pas inaperçu, tu interviens avant que la personne ne soit identifiée. Tu dis : « Faites sortir ce chien. Maudites soient ces bêtes, qui viennent nous polluer, à l’heure de manger ! »(…) Il est bon aussi que tu l’imputes à un enfant ou à une servante. »
10- Spiritualité du vin :
Leurs « alembichs » :
La découverte la plus extraordinaire dans ces inventaires du XVe siècle, est pour moi la présence d’alambics.
En 1414, l’Honorable Berenguer Batlle possédait un « alambic à eau de vie » parmi les bouilloires, les mortiers et les poeles, et un fourneau en fer, eyguières et entonnoirs en étain.(115)
En 1424, Mossen Mathias Puig avait deux alambics :
« item 1 foger de ferre cayrat, item II alembichs ab una fornal » (116)
Il est donc incontestable que nos aïeux roussillonnais distillaient au début du XVe siècle. Leur intérêt pour la distillation avait divers buts.
Photo : Alambic, Llibre de secrets d’agricultura, Fra Miquel Agusti, Perpignan 1617.
La sublimation existait depuis la plus ancienne antiquité, mais l’invention du premier alambic ne semble dater que du IVe siècle, par un grec d’Egypte, Zosime de Panopolis (117). Le mot grec « ambikos » qui désignait un vase cylindro-tronconique, est à l’origine du mot arabe Al-inbik. Le mot alcool vient de « al koh’l », nom arabe du sulfure d’antimoine (118). Au Xe siècle, Abulcasis, médecin-chirurgien de Cordoue, 936-1031, aurait perfectionné l’alambic et distillé du vin. On constate que les noms employés en Occident sont empruntés à l’Arabe, ce qui laisse supposer que la transmission s’est faite par les Arabes ou les Maures. Pour ma part je pense que ces procédés n’ont jamais disparus en Occident, mais ont simplement perdu leurs noms Latins ou Grecs. Certes la distillation du vin n’est attestée en Occident qu’au XIIe siècle, dans la ville de Salerne, mais on imagine mal les européens de la renaissance carolingienne sans distillation…
Grace à ces alambics on obtenait de l’alcool éthylique appelé « Aqua Vitae » ou « eau de vie » ou « eau ardente », d’ou le terme roussillonnais d’aygua ardenta, et les « ayguardenter », qui sont attestés en Roussillon dès 1455 dans le manuel de Pere Morera, notaire, pour Marti Gelabert « ayguardenterius » de Perpinya (119).
Chez nous la différence entre l’Alkohol et l’aygue ardente, était la destination. L’Alkohol servait en pharmacie, et les aygues ardentes servaient à muter nos mouts. Mossen Matthias Puig était-il vinificateur, pharmacien, ou alchimiste ? Son homonyme Albert del Puig, qui était physic de la ville de Collioure, en 1372 (120) avait-il besoin d’alcool pour soigner ses malades ?
Le De vinis (121) dont j’ai déjà mentionné l’origine incertaine, parle de l’aqua ardens, eau ardente, et donne des recettes de macération de plantes et d’alcool. On a longtemps prétendu qu’Arnau de Vilanova avait été le premier à pratiquer le mutage à l’alcool pour améliorer la conservation du vin et garder sa douceur. Mais maintenant que l’attribution du De Vinis est faite au Maitre Sylvestre et à l’école de Salerne il est difficile de prendre position.
On prétend que les templiers du Mas Deu, près de Perpignan, généralisèrent ensuite le procédé , mais je n’ai pas trouvé de preuve de cette affirmation. Par contre, leurs successeurs sur ces terres du Mansum Dei, ou Mas Deu, Nyils, Terrats, Conjunta et Santa-Coloma de la Commanda, ont produit des vins doux au XIVe siècle. Les Hospitaliers de Saint- Jean, futurs Chevaliers de l’Ordre de Malte, qui se fixèrent à Rhodes, avaient conservé une commanderie à Chypre ou ils continuaient à produire le Commandaria quasi liquoreux. Il est évidant qu’ils ne se prohibèrent pas la production de vins doux liquoreux en Roussillon.
Le mutage gardera-t’il son secret ? Qui muta le premier ?
Muter, ou mutar signifie en roussillonnais, rendre muet, du Latin mutatio « changement, altération, action de changer »
Ce n’est qu’à partir du XVIIe siècle que les Portugais et les Andalous mutèrent leurs vins pour les stabiliser, dans un but commercial.
Si l’invention de l’alambic est grecque, en Egypte, et si les premières mentions en Europe sont à Cordoue au Xe, et à Salerne au XIIe ; qui nous a transmis l’usage de muter nos mouts pour faire du vin doux ?
Ce n’est peut-être pas un hasard si le développement de la distillation a commencé à Salerne, qui se trouve près de l’antique et illustre production du vin doux de Falerne, en Campanie, qui n’était pas muté dans l’antiquité.
Les alambics de Mossen Matthias Puig et de l’Honorable Berenguer Batlles provenaient-ils de Valencia, de Cordoue, de Campagnie ou de Sicile ?
La famille de Mathias s’était déjà implantée en Sicile en 1296 et y continuait le commerce en 1408. Son oncle Bernard y était ambassadeur en 1399. Mathias avait vécu sous les régnes de Martin l’Humain puis d’Alphonse le Magnanime, passionnés par Naples et la Sicile. Il avait même servi Alphonse Le Magnanime, comme promoteur de la cour (122), et avait reçu l’autorisation de chercher des minerais en Cerdagne, sans doute pour assouvir sa recherche d’or et ses rêves de pierre philosophale (123) ou pour réaliser la recette du De Vinis pour produire le « vin d’extinction d’or » dans lequel une feuille d’or devait être plongée quarante fois.
De même Berenguer Batlles avait été richement doté par Alfonso il Magnanimo, dont le surnom avait été donné par les alchimistes napolitains, qu’il entretenait avec beaucoup de largesses. Et nous savons, par son inventaire, que Berenguer Batlle possédait un couvre-lit aux armes de Sicile, ce qui prouve qu’il avait servi près de son roi en Sicile, lequel avait dû lui donner ce couvre-lit.
Ces livres et ces alambics sont-ils les précurseurs de la « renaissance » ?
Les alambics n’étaient pas neutres, et la distillation non plus. Les personnes qui s’adonnaient à la distillation étaient soupçonnées d’alchimie. Eiximenis fut accusé d’envouter le pape et de lui avoir enseigné l’art d’invoquer les démons.
Dans le « Regimen de la cosa publica » et le « Cercapou », il condamnait l’alchimie, mais aussi la divination, la nigromancie, et la physiognomonie, dont l’usage est le fait des « ministres dels diables ». Toutefois il s’intéressait aux prophéties et aux possibilités de dialogue avec les anges…un peu comme Vilanova qui prévoyait la venue du Messie pour 1378.
Le pape Benoit XIII, lui-même, était accusé de « nigromancia », de magie et de l’usage du poison, accusation que l’on retrouvera plus tard chez les Borgia, autre famille aragonaise, en partie d’origine roussillonnaise par leur aïeule Sybille d’Oms.
Pendant que les tenants du pape Benoit XIII se réunissaient en concile à Perpignan, des cardinaux des deux obédiences se réunissaient à Pise et accusaient Benoit XIII de s’être entouré de magiciens, dont l’un était habillé en béguin et avait une longue barbe, et l’autre était un ermite qui prétendait reconquérir Rome grâce à sa familiarité avec trois démons, le « Dieu des Vents », le révélateur de trésors cachés et le « Prince de séditions ». Benoit XIII utilisait l’ermite à Avignon, le béguin à Porto-Venere et le frère mineur Eiximenis à Perpignan. Il avait aussi un devin franciscain, Jean Benoit de Bergerac, qui croyait savoir que Benoit XIII serait conduit à Rome par un prince Sicilien de la maison d’Aragon qu’il aurait le plaisir de couronner ensuite empereur. On ne peut s’empêcher de penser à Don Martin d’Aragon, le roi de Sicile.
L’accusation d’envoutement du pape par Eiximenis ne tient pas beaucoup, et c’est plutôt par ses délicieuses paroles qu’Eiximenis avait plu au pape, et par ses traités sur le vin, ou ses connaissances encyclopédiques.
La situation était la même en France, vers 1390-1422, ou pour guérir le roi Charles VI atteint de folie, certains courtisans faisaient venir des sorciers pour soigner le roi en vain. Ce n’est sans doute pas un hasard si la France retira son obédience au véritable pape, Benoit XIII, sous le règne de Charles VI en pleine crises de folies.
Ainsi Eiximenis était-il en contact, malgré lui, avec un milieu versé dans l’alchimie et la nigromancie, et avec lui tout ce monde pré-humaniste qui termine le « moyen-âge » et commence la « renaissance ».
Tous ces roussillonnais, qui suivirent leur roi Martin en Sicile, suivirent également leurs nouveaux rois Ferdinand et surtout Alphonse, à Naples, dès 1423.
Les livres :
Parmi tous les livres inventoriés dans les maisons Roussillonnaises de ce XVe siècle pré humaniste, nous trouvons Socrate, les troubadours occitans, le Llibre de l’ordre de cavalleria écrit vers la fin du XIIIe siècle par Raymond Llull (124) et bien sur les Décrétales, et de nombreux volumes de l’ancien et du nouveau Testament en Llatin, en Llimousi, en Roma ou en Françes. La présence de rééditions de livres d’auteurs antiques montre que leur point de vue ne s’arrêtait pas à la simple histoire du christianisme.
Dans l’inventaire des livres de Mossen Mathias à Taxo, (125) nous trouvons
12-Item I libre de paper descarnesat de paper de Xativa scrit en romas appellat Sincratos (Socrate ?)
13-Item I libre de pargami scrit en limosi de la Gayha Siensia cobert de pots e de cur vermell
Un livre en parchemin écrit en limousin de la Gaie Science recouvert d’ais et de cuir vermeil ;
Le Collège de la Gaie Science, fondé en 1323 à Toulouse par des Troubadours locaux devint ensuite la compagnie des Jeux Floraux. Evidemment le livre sur la Gaie Science rappelle tout de suite la gaie science alchimique, et le gai savoir des Troubadours occitans.
15-Item I libret de paper appellat Libre dels Scachs
Un petit livre de papier intitulé Livre des Echecs, qui montre l’intérêt de Mossen Matthias pour ce jeu, ses stratégies, et sa passion. Quel dommage que nous n’ayons pas conservé ce livre.
Au sujet d’Aristote, Eiximenis nous renseigne en précisant qu’« Aristote affirme dans son Posterios qu’en Inde les hommes sifflent tout le temps. Il y a dans ce pays de bons ceps, d’où sont issus de bons vins, en quantité, qui poussent les hommes à siffler et à danser. » (126)
Dans les inventaires des livres des familles Alenya, Perillos, Puig et Batlles, on retrouve le Boece de Consolation (127) :
-Item un libre de Boessi de Consolacio scrit en paper cubert de pots e de cur vermell ab X platos (un livre de Boèce, « La Consolation de Philosophie » écrit sur papier recouvert de bois et de cuir vermeil avec dix plats) chez Mossen Mathias Puig
Chez Berenguer Batlles, un livre intitulé Consolation de Boèce, couvert de vermeil avec des
plats de laiton.
Eiximenis nous en parle aussi « Boece l’affirme dans le second livre De Consolatione (…). La nature humaine but de l’eau jusqu’à Noé, qui fut le premier homme à planter la vigne et à faire du vin.(…) le reméde contre ce péché : le vin, la liqueur ».
Boece vécut à la fin de l’Empire, il avait traduit en Latin des auteurs comme Aristote et Platon, avec des commentaires, et transmis la logique aristotélicienne à l’occident chrétien. Le De Consolatione de Boece est une œuvre néoplatonicienne, dans laquelle la poursuite de la sagesse et l’amour de Dieu sont décrits comme les véritables sources du bonheur, qui correspond bien à cette époque pré humaniste. Au XVe siècle, le philosophe Laurent Valla décrivait Boèce comme le dernier des Romains et le premier des scholastiques. Nous retrouvons encore l’influence de Naples, par Valla, grand ami du Magnanimo, il est donc probable que ces Roussillonnais reçurent l’influence de Naples et des premiers humanistes (128).
11- transsubstantiation ? :
Ainsi Eiximenis faisait-il le lien entre le vin et le sang, et le mystère de la transsubstantiation ?
Mystère mis en scène par Ferrer dans la procession du Très Précieux Sang de Notre Seigneur, en 1416 à Perpignan, pour accompagner au supplice les condamnés, et éradiquer l’hérésie
Eiximenis écrit « Boece l’affirme dans le second livre De Consolatione, metro quinto ainsi qu’Ysodorus. La nature humaine but de l’eau jusqu’à Noé, qui fut le premier homme à planter la vigne et à faire du vin. En effet il plut à la haute sagesse de Dieu Notre Seigneur de tirer du cep, origine et occasion de péché pour le premier père, le remède contre ce péché : le vin, la liqueur avec laquelle on consacre le précieux sang de Jésus-Christ.
L’homme est donc en mesure de voir que sous l’espèce du vin réside le sang du Sauveur consacré et offert à Dieu le Père pour la rémission des péché et pour le salut. En outre, le vin est bon pour la santé de l’homme car il apporte à son cœur une si grande joie qu’il ne connaitra jamais la tristesse. C’est la raison pour laquelle certains tiennent le pain et le vin en grande révérence. Ils considèrent que le précieux corps de Jésus-Christ se consacre dans le pain et son précieux sang dans le vin. Ce faisant ils accomplissent une œuvre méritoire et plaisante à Dieu » (129).
Que dire de plus sur la place du vin dans l’univers sacré de cette époque ?
Le moine Vicens Ferrer écrivait : « Ton corps est véritablement une nourriture et Ton sang véritablement est un breuvage ».(130)
12-Conclusion :
Cette année 1409 fut la dernière pour nos rois Martin de Sicile, et son père Martin d’Aragon, qui moururent successivement, éteignant à tout jamais la maison des comtes de Cerdagne et de Barcelone.
Eiximenis mourut durant ce concile de Perpignan, vers le mois de Mai 1409, après avoir légué sa bibliothèque au couvent des Franciscains de Gérone, ce qui accrédite la version de sa naissance dans cette cité. Il fut enterré dans le couvent des frères Mineurs de Perpignan, ou il repose encore aujourd’hui.
L’inoxydable Benoit XIII, dernier cardinal à avoir été créé avant la période du schisme, c’est-à-dire le seul électeur et le seul candidat légitime au trône de Saint-Pierre, le véritable pape, ne mourut à Peniscola, dans le royaume de Valence, qu’en 1422. On ne peut pas dire que nos aïeux l’abandonnèrent, car il fut constamment soutenu dans le Maeztrazgo par les familles roussillonnaises qui s’engagèrent dans l’ordre de Montesa et dans l’ordre de Saint Jean de Jérusalem, mais c’est une autre histoire.
Le Roussillon suivit ses rois, partis à la conquête de l’Italie au lieu d’aller délivrer l’Orient des Turcs, et subit une crise agraire, et commerciale qui le ruina complètement.
Le XVe siècle continuait sa course, et avec lui les explorateurs italiens d’origine Aragonaise, comme Colom et Vespucci qui, avec l’aide des Borgia et des rois Catholiques, entrainèrent le basculement du monde méditerranéen vers le monde atlantique, ce qui accentua la ruine de notre commerce et de nos productions.
Les rois et les papes se désintéressèrent de cet Orient qui ne représentait plus une source commerciale unique, et qui n’était plus que le tombeau du Christ. Ainsi les vins de Chypres ou du Roussillon, tombèrent-ils dans l’oubli, et avec eux tous les vins de la Méditerranée, pour laisser la place aux nouveaux vins d’un monde nouveau, celui de l’Atlantique.
Photo de Taxo autrefois « sap01_mh0101566-p[1].jpg
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Bibliographies et sources :
Chapitre I, Le pape Benoit XIII et Eiximenis, amateurs de vins:
1-Etudes Roussillonnaises, Tome XXIV, 2009-2010, Le concile de Perpignan.
2- Chronique de Martin de Alpartil, rédigée vers 1430.
3-prononcer Bilecourbe en roussillonnais
4- 10% roussillonnais auraient servi directement ou indirectement le pape Benoit XIII, en participant à l’armada de 1398, puis au concile de 1408. Etudes Roussillonnaises, Tome XXIV, 2009-2010, Le concile de Perpignan.
Chapitre 2, Les commentaires d’Eiximenis :
5-Lo Cristia, volume original. L’édition originale de Lo Cristia mentionne le nom de l’auteur, Eximeneç, mais il est parfois mentionné comme Eiximenis, Eximenez ou Ximenez.
6-Psalterium alias Laudatorium Papae Benedicto XIII dedicatum (Psautier ou Doxologie dédiée au Pape Benoit XIII). C’est une collection de 344 prières. Comme le titre le dit, le livre était dédié au pape d’Avignon Benoît.
7- « Le concile de Perpignan », Etudes Roussillonaises, Tome XXIV, 2009-2010, p.177.
8- L’art de Manger, boire et servir à table, Editions de la Merci, p.49
9-Histoire de la vigne et du vin en Roussillon, Pierre Torrés, Trabucaïres, 2011, p.46
10-La lettre d’un curé friand à son médecin (L’art de manger, boire et servir à table, Eiximenis, Gifreu, Torrès Editions de la Merci, 2011, p.55) « Lletra que un gran golafre eclesiastic trames a un metge per demanar-li consell sobre lo regiment de sa vida ».
Chapitre , Les familiers du pape, producteurs de vins en Roussillon :
11- Etudes Roussillonnaises, Tome XXIV, 2009-2010, Le concile de Perpignan,
12-on écrira comme on voudra çagarriga ou Sagarriga ou Zagarriga, qui n’est en réalité que Ypsa Garriga
Lors du compromis de Casp il fut le seul avec le catalan Vallseca à appuyer la candidature de Jaume d’Urgell.
13-Etudes Roussillonnaises, Tome XXIV, 2009-2010, Le concile de Perpignan, p. 10.La reine Yolande était amie avec le pré-humaniste Juan Fernandez de Heredia, héleniste, neveu du Grand-maitre de Rhodes à l’époque ou les chevaliers de Rhodes produisaient ce fameux vin doux nommé Commandaria, dès 1380 à Avignon, puis en Roussillon, lors du mariage de Yolande avec Jean Ier, et à Vic ou il fut nommé évêque.
14- Ph. Lazerme, Noblesa Catalana, Cavallers y Burgesos Honrats de Rossello y Cerdanya, 1976, Tome II, p.401
15- Etudes Roussillonnaises, Tome XXIV, 2009-2010, Le concile de Perpignan, p. 39 et 40.
16- Inventaire aprés décès de Ponç de Perillos, cote 3 E 557, 3 E 1/122, 8, not. Johannis Morerii.
17-le duc de Bourgogne, qui avait payé l’assassinat du fils de Charles VI, le duc d’Orléans, d’où la guerre des partisans entre Armagnac et Bourguignons, en 1407 à Paris)
18- Etudes Roussillonnaises, Tome XXIV, 2009-2010, Le concile de Perpignan, p.100.
19- Inventaire aprés décès de Ponç de Perillos, cote 3 E 557, 3 E 1/122, 8, not. Johannis Morerii.
20- Podio ou Poggio, Puches, Puig, Poux.
21-Cervilio, Cervillione, Cervilion, Cervillone, Cervillo, Cervellon, Cervello
22 Etudes Roussillonnaises, Tome XXIII, 2007-2008, l’Informatio seriosa, p.73
23- ADPO B166, 179, G495, 496) 1399, 1er Février : « Bernardus de Podio, miles cui rex dedit licenciam quod posset fecere Regi officium Vicarii Rossilionis, quosque fuerit de partibus Francia reversus, ad quas ivit cum aliquibus nostris ambassatoribus. » En 1386, Guillelma, épouse de Bernardo de Podio, frère ou cousin de Mossen Mathias, vendit des biens qu’elle possédait au Vernet ainsi qu’une demi-masade à Conjunta, et en 1394, Bernardo, lieutenant de Gilabert de Cruilles, Gouverneur des Comtés de Roussillon et Cerdagne, écrivait au Prieur de Fontfroide pour exiger la démolition de la Tour de Pujols à Argelés, car elle devait géner la juridiction de Taxo
24-ADPO B166
25- Jaume III de Majorque donna ordre, le 16 Juillet 1344, à Berenguer des Puig, de livrer le château de Perpignan.
26-ADPO 1400-1403 : Berenguer des Puig, « traxo » de Roma, et remis entre les mains de Don Martin , l’Apostolique Diplôme de l’union de l’Ordre Militaire de San Jorge, avec celui de Marie Santissima de Montessa, l’an 1400. Papale sigilii secreti , 1400-1403. Secretarii Guillermii Poncii.
1400, 24 Janvier : bula Ad ea libenter intendimus de Benedicto XIII
27- ADPO 1 E 319 : 1424 Inventaire après décès de Matheu des Puig , Sr de Taxo et de Mossellos
« Honorabilis dominum Mathia de Podio quondam milites Matheo pupillo filio…(..)…honorabilis dominum Mathia de Podio quondam…” Les Podio avaient reçu Taxo du roi Jacques II de Majorque en 1299. Je pense que les rois de Majorque, issus de la maison d’Aragon-Barcelone-Cerdagne, voyaient d’un mauvais œil la maison de Taxo, qui descendait des comtes de Roussillon-Ampories. Ils ont donc ruiné les Taxo, en donnant leur fief aux Podio.
28-Lafabrègue, Les Corts de Perpignan, SASL 100e volume, 1992, p.47. Ces Corts rassemblaient les trois états de Catalogne, Roussillon et Cerdagne, malgré l’opposition de ces deux derniers en 1350.
29-Historia dels Llupia, Trabucaïres, 2006, p.48,
30-Historia dels Llupia, Trabucaïres, 2006, p.47 “Octubre 1395, per a tres vendes de vinyes efectuades pel sacrista de Bages (…) o també l’any 1408 a Sant Cugat de Queixas, en el territori de Castellnou”
31- Historia dels Llupia, Trabucaïres, 2006, p.50
32-prononcer Baille
33- Historia dels Llupia, Trabucaïres, 2006, p.50
34-Vidal, Les Juif, ed. Mare Nostrum, 2016, p.98 et 158 n°196 : les créanciers étaient Sicardus de Montellis, magiser in medicina, Bertrandus de Fita, magister in artibus et in medicina baccalarius, Franciscus Ginis, aussi maitre en medecine, qui avait soigné Eiximenis, et Issach Cabrit, physic et juif de la ville Perpignan, qui avait été appelé en consultation.(Apoques de la Cambra apostecal, dans la notule de Bernard Masdamont, f°193 et suiv., notaires, n°1603.)
35- Inventaire après décès de Pierre d’Alenya, cote 3 E 1/751, not. Ferrioli Bosqueros.
Chapitre 4, Leurs Vignobles :
36-Alart, Cartulaire, 2J1/9, p. 409 à 422, transcription de l’original ADPO 1 E 319
37-Etudes, p. 40 , Domicellus : donzell, damoiseau.
38- Donzell ou Donçell: Domicellus, Damoiseau.
39- Aleutier : « Aloer », qui possède une terre en franc-alleux, donc sans seigneur autre que le roi.
40- Bernardo de Podio : ADPO 166, 179,
41-Lloansi, Les Remençes, 2016, p.39, cite Francisco Monsalvatje y Fossas, Op. Cit. Page 23. Voir le texte en latin dans Eduardo de Hinojosa, Op. cit. Page 300. Note 1. « … quoddam singulare detestabile et execrabiliter monstruosum, deturpans et inficiens nedum subiectos oneribus et passionibus supradictis, verum eciam quodammodo maculans patriam istam et degentes in ea, sitque aliis mundi nacionibus materia illudendi, seu in neglectum hebendi, nacionem Cathalanorum, tendat nec minus contra naturalem iusticiam et hominum libertatem, … ».
42-Le chef des pagès révoltés en Catalogne, à la fin du XVe s. était Verntallat, de l’ancienne famille des Puigpardines. Les pagès de remença étaient des vassaux, dans l’ordre vassalique de l’époque. On y retrouve les familles Puigdemont, Prat de La Riba, Jonqueres, etc.
43-Histoire de la vigne et du vin en Roussillon, Pierre Torrés, Trabucaïres, 2011, p.35
44-Vignoble et viticulture, Histoire et archéologie en Narbonnais et Roussillon, Carole Puig, Hervé Petitot
45-Archeologie du Champ et viticulture méridionale, Pourquoi les traces du vignoble sont-elles si peu fréquentes au moyen-âge ? Phil. Boissinot, Carole Puig, Archologie du Midi médiéval tomes 23-24, 2005-2006,
46-Alart B221 1407-1419) Dalmau de Biert était conseiller royal , Baillie Général de Catalogne, Procureur royal de Cerdagne, Procureur du patrimoine royal et des fiefs royaux d’Alphone d’Aaragon. Il participa aux Corts de Catalunya, Rossello i Cerdanya à Barcelone en 1431.
47-La famille de Taxo, Taccione, Taxon, sont en fait des Llupia. Lire l’Histoire des Llupia, et les Puig d’Orfila sont en fait des Orfila, de Collioure.
48- Inventaire après décès de Berenguer Batlle, cote 3 E 3/121, 3 E 3/122, not. Gaucelmus Ferrioli., on remarque le vieux roussillonnais “salat” “ab totes ses terres”
49-Historia dels Llupia, Trabucaïres, 2006, p.47 “Octubre 1395, per a tres vendes de vinyes efectuades pel sacrista de Bages (…) o també l’any 1408 a Sant Cugat de Queixas, en el territori de Castellnou”
50- Ph. Lazerme, Noblesa Catalana, Cavallers y Burgesos Honrats de Rossello y Cerdanya, 1976, Tome II, p.397.
Chapitre 5, Leurs cépages :
51-Malvoisie du Roussillon citée par le comte Odart, sera identifiée plus tard comme le Tourbat, présent en Roussillon et en Sardigne (Torbato sarde) dans la région de l’Alguer.
52-selon Hugh Johnson, Monemvasia donna son nom au cépage Nalmsey, Malvasia, Malvazija, Malvoisie.
53-Eiximenis, L’art de manger, boire et servir à table, Editions de la Merci, 2011, traduction Gifreu, préface de Torrés.
54-« on prend du meilleur vin de Vermnacia, ou du grec ou un vin similaire » (« optimi vini de vernacia, vel greco, vel simili »), du sucre blanc, on le prépare à feu lent et on le consomme avec deux tiers d’eau ». Le Vernacce est à l’origine un vin doux provenant d’Italie. Vin grec aussi. On peut se demander s’il s’agissait de vins importés ou de vins blancs locaux élaborés à la façon de ces vins renommés.(Torrès 2011, p.44)
55-Une histoire mondiale du vin, Hugh Johnson, Hachette, 1989, p.154
56-Histoire de la vigne et du vin en Roussillon, Pierre Torrés, Trabucaïres, 2011, p.53
57-Catafau, De l’amphore à la bouteille, La vigne dans les Comtés au moyen-âge, 2007.
Chapitre 6, Leurs Vins :
58- Cisterne, Etre et paraitre, une étude d’inventaires après décès de nobles roussillonnais XIV-XVe siécles, UPVD, 2009.
59-Ce terme « ranci » s’accorde avec la notion de drimus et drimutès des antiques, même si la racine du mot « ranci » n’est peut-être pas la même que celle du drimus , de l’indo-européen der « écorcher, déchirer », mais il me semble que le roulement de r très prononcé du rrranci, est proche du der . Lire Le vin Romain antique, de Tchernia et Brun.
60-Etudes Roussillonnaises, Tome XXIV, 2009-2010, Le concile de Perpignan, p.100
61- Ph. Lazerme, Noblesa Catalana, Rossello y Cerdanya 1975, Tome I , p.222.
62- Saint-Simon, Mémoires, année 1721, chapitre XII « Nous arrivâmes à Vittoria où je trouvai la députation de la province qui m’attendait avec un grand présent d’excellent vin rancio; c’étaient quatre gentilshommes considérables »
63-Cutzach, Thèse de Doctorat, 1999. Le composé aromatique que tous ces vins ont en commun est la molécule de Sotolon, découverte en 1976 dans les Vins Jaunes, mais mise en évidence par Isabelle Cutzach. Molécule que l’on retrouve dans le Fénugrec, la mélasse, les champignons Lactarius Helvus et les vieux alcools rancios.
64- Sagarriga-Orsini à Naples et Sicile, Poux à Dôle, en Franche-Comté, et Spucches en Sicile. Junqueres en Franche-Comté, Perapertusa en Sicile, Oms, Vallgornera, etc.
65-Une histoire mondiale du vin, Hugh Johnson, Hachette, 1989, p.171
66-Pline, XIV, 55
67- Batlle ADPO 3 E 3/121, 3 E 3/122, not. Gaucelmus Ferrioli , Puig ADPO 1 E 319
68-La légende lui a attribué la paternité des vins doux naturels du Roussillon qui utilisent eux aussi de l’alcool pour leur élaboration. Tout comme on pourrait lui attribuer aussi une certaine paternité pour les apéritifs à base de vins ou dans la recette de la sangria ! (Torrès 2011, page 43)
69-L’ouvrage qui s’imposa fut le traité de Matthaeus Platearius, De simplici medicina (ou Circa instans), rédigé à Salerne au XIIe siècle, rapidement traduit en langue vernaculaire et imprimé dès la fin du XVe siècle. Un poème didactique, attribué peut-être à tort à l’École de Salerne, le Regimen Sanitatis Salenitanum(Fleur de la médecine), dispense des conseils d’hygiène et développe les divers usages thérapeutiques du vin.
70- Eiximenis, L’art de manger, boire et servir à table, Editions de la Merci, 2011, traduction Gifreu, préf. Torrés, p.181
71- Cisterne, Etre et paraitre, une étude d’inventaires après décès de nobles roussillonnais XIV-XVe siécles, UPVD, 2009.
72- ADPO, B250 .La compagnie de Sicile, 1408
73- Toutes ces recettes ont été interdites par l’INAO.
74-les familles avaient des branches en Sicile, comme à Majorque, ou nous faisions du commerce, puis des productions.
75-Une histoire mondiale du vin, Hugh Johnson, Hachette, 1989, p.122
76-Une histoire mondiale du vin, Hugh Johnson, Hachette, 1989, p.156
77-Une histoire mondiale du vin, Hugh Johnson, Hachette, 1989, p.157
78-Histoire de la vigne et du vin en Roussillon, Pierre Torrés, Trabucaïres, 2011, p..48
79-Histoire de la vigne et du vin en Roussillon, Pierre Torrés, Trabucaïres, 2011, p.45-46
80- Perillos avait servi les ducs de Bourgogne
Chapitre 7, Leurs çellers :
81-Cisterne, Etre et paraitre, une étude d’inventaires après décès de nobles roussillonnais XIV-XVe siécles, UPVD, 2009.
82-On notera qu’il y a avit aussi de l’hypocras (dont la légende attribue la recette à Hypocrate), boisson tonifiante, sucrée au miel, élaborée aussi avec du vin et certains arômates. (Torrès p.55)
83-B. Alart, C.M., t.J, p.407-412, famille des Puig, ibid., t.A, p.358-359, et voir Taxo d’Amont.)
84-ADPO 1 E 319 : inventaire après décès de Mathias des Puig. 1424
85-Histoire de la vigne et du vin en Roussillon, Pierre Torrés, Trabucaïres, 2011, p.36
86-« la présence également d’objets à usage agricole ou vinicole. Sauf chez Perellos où leur absence est totale, on saisit bien que – sans être des « chevaliers-paysans » – ces nobles là sont intimement liés à la terre et à la ruralité » (Cisterne, Etre et paraitre, p. 34, 2009)
87-Secrets de Agricultura, casa rustica y pastoril de frère Miquel Agusti, Barcelona 1617) Il y avait donc foulage.
Chapitre 8, Le commerce du vin :
88-Catafau, De l’amphore à la bouteille, La vigne dans les Comtés au moyen-âge, 2007.
89-La place des fruits en Méditerrannée nord-occidentale, Carole Puig, p. 119-128, Archeologie du Midi Médiéval, 2005-2006)
90- El Llibre vert major de Perpinya, Fondacio Noguera, p.368, n°91 : 1310, 5 Septembre : Deffinicio e remicio fet als homes de Perpinya per lo senyor Tatzo d’Avall, de la leuda, pessatge o vectigal que prenia a Tatzo. “sit homnibus notum, quod ego Petrus de Podio miles dominus de Tacione inferiori, per me et successores meos in dicto castro , etc ” …“Signum Petri de Podio, predicti, qui hec omni laudo”.
91-Catafau, De l’amphore à la bouteille, 2007.
92-Catafau, De l’amphore à la bouteille, 2007.
93-ADPO 1B235 1422-1431, communiqué par M. Catafau.
94-Histoire de la vigne et du vin en Roussillon, Pierre Torrés, Trabucaïres, 2011, p.40
95-Catafau, De l’amphore à la bouteille, La vigne dans les Comtés au moyen-âge, 2007.
96-Les Tallavis possédaient des vignes à Passa, ou ils avaient la fonction de chapelains de Lo Camp au XIIIe. Leur tombeau de 1306 est encore dans le cloitre du Camp. Leurs terres tombèrent en quenouille au XVIIe siècle, et Mariana Tallavis épousa Antoni Parahy en 1680, d’où les fortunes terriennes des Parahy, puis des Jaubert.
97- ADPO 1 B250
98-1296, 31 Mars : Berengario des Puig ottene concessione del feudo o casale di Casamonaci, Sicilia.(probablement un Almogavars de la conquête de Sicile en 1282), (histoire de la famille de Spucches).
99-Dès le XIIIe siècle des familles catalanes, roussillonnaises et majorquines prirent possession en Sicile, les Termens ou Terminis, les Claramont ou Chiaramonte, les Puig ou Spuches, les Peralta, les Moncada, les Alagona, Oms, Sagarriga, puis au XVe siècle, les Vallgornera, les Peyrapertusa du Roussillon, Barone di Favara, etc, leur influence fut immense dans le gouvernement de l’Eglise, puisque Calixte III Borgia dut son trône aux cardinaux des Puig (Evêque de Montreale de Sicile) et Bellvis en 1455.
Chapitre 9, Leurs services de table :
9-1 Savoir boire :
100-Eiximenis, L’art de manger, boire et servir à table, Editions de la Merci, 2011, Torrés, Gifreu.
101- ADPO 1 E 319.
102-sachant que le marc pèse environ 250 gr, et qu’il contient 8 onces d’environ 33 gr
103-sans doute en email du Limousin, tel le fameux Calice des Rois de Majorque, dont les émaux sont bleu et violet
104- Eiximenis, L’art de manger, boire et servir à table, Editions de la Merci, 2011, trad.Gifreu, préf. Torrés. p.144.
105- Eiximenis, L’art de manger, boire et servir à table, Editions de la Merci, 2011, trad. Gifreu, préf. Torrés. p.141.
106-Une histoire mondiale du vin, Hugh Johnson, Hachette, 1989, p158.
107-Jordi Mach, Un palais dans la ville, Trabucaïre, 2011, vol. II, Sur la table ou dans l’église, le verre dans les villes roussillonnaises, p.350, p.373, voir illustration p. 379, n°110.
108- Mobilier et aménagement intérieur de la maison villageoise en Roussillon dans la deuxième moitié du Moyen Âge (XIe-XVe siècles) à travers l’archéologie et les inventaires notariaux. Aymat Catafau (Université de Perpignan – CRHISM) Olivier Passarrius (Pôle archéologique – Conseil Général des P.-O.)
9-2 :Savoir servir :
109-Le service du vin, selon Robert de Nola, dans le Libre del coch, fin du XIVe siècle, dépend du rang des personnes à table,
110- ADPO 3 E 1/ 751 : Pierre d’Alenya
111-L’art de manger, boire et servir à Table, Eiximenis, p.169
112- L’art de manger, boire et servir à Table, Eiximenis, p.170
113- ADPO 1 E 319 :acte 1424 Matthias des Puig
114- Chaire, Chair et bonne chère, en hommage à Paul Bretel.
Chapitre 10, Spiritualité du vin :
10-1 Leurs alambics :
115- Cisterne, Etre et paraitre, une étude d’inventaires après décès de nobles roussillonnais XIV-XVe siécles, UPVD, 2009.
116-Pour bien comprendre ce qu’était un alambic au XVe siècle nous pouvons lire ce qu’écrivait Fra Miquel Agustí au XVIIe siècle en Catalogne, qui nous décrit les deux parties de l’alambic, ce qui explique la présence de deux alambics chez Mossen Matthias.
Il s’agit en fait d’un seul instrument: «Són necessaris dos vasos per destilar, que ab vocable comú se poden anomenar Alembic, la hu dels quals es propriament anomenat vas continent, per que rep, y conté la materia que se vol destilar; alguns lo anomenan cos, o vas corpolent, altres carabaça; la altra es vulgarment dit capitell, cap o capell, o campana, en lo qual se ajusta la vapor que se converteix en aygua. Aquest vas te algunes voltes una canal en forma de bec de aucell, per lo qual la aygua destilada degota en una empolla, o altre vas semblant: altres voltes es sense bec, y aço quant se vol usar per circulació».(Secrets d’Agricultura, a. 1617, fol 117)
117 -Les Alchimistes Grecs, Zosime de Panopolis, Mémoires authentiques , Les Belles Lettres, 2002
118- De même l’elixir vient de l’arabe « al iksir » la pierre philosophale et le médicament, emprunté au grec, « Kseron » le médicament.
119-ADPO 3 E 3/519
120- Vidal, Les Juifs, Mare Nostrum, 2016, p. 98
121-Le Livre des vins, éditions de la Merci, 2011
122-ADPO B217, lettre du roi Alphonse portant don de 90 Livres à Mossen Mathias comme promoteur de la cour.
123-ADPO B217 : « autorisation à Mathias dez Puig, chevalier, de chercher et exploiter en Roussillon et Cerdagne, des « mînes de couleur », c’est à dire d’alcofoll, d’or, d’argent et autres… »
10-2 Leurs Livres :
124-Raimond Llull, majorquin fils d’un Montpellierain, était passé chez les Arnaud Batlles, au XIVe s.
125-Inventaire après décès de Mathias des Puig, cote 1 E 319.
126- Eiximenis, L’art de manger, boire et servir à table, Editions de la Merci, 2011, traduction Gifreu, préface de Torrés, p. 71
127-Boece, mort en 524, qui a vécu la fin de l’Empire Romain, a transmis la logique aristotélicienne en Occident et constitue une source importante de la philosophie médiévale. Il a traduit en latin les œuvres complètes d’Aristote et de Platon, avec commentaire.
128- Peut-on parler de pré-humanisme en Roussillon ou en Catalogne au XVe siècle ?
Jaume de Puig i Oliver répond : «Darrerament s’ha discutit si i fins a quin punt era lícit de parlar d’un humanisme català d’abans de la segona meitat del segle XV. S’ha emès l’opinió que postular un humanisme català abans d’aquesta data era més un concepte o un miratge historiogràfic que no pas una realitat controlada”
Chapitre 11,, Transsubstantiation ? :
129-Eiximenis, L’art de manger, boire et servir à table, pages 72 et 73
130-La confrérie a été créée le 11 octobre 1416, par Saint Vincent Ferrier. La ” Confrérie du Précieux Sang de Notre Seigneur Jésus-Christ “, a vu le jour dans l’église Saint-Jacques.